Il n’y a guère de bonnes nouvelles de Rome ces jours. L’Église « de François » est à présent en pleine confusion tant morale que théologique (à cause, entre autres, de notre pontife) et a tendance à se « prosterner devant le monde », selon la vigoureuse formule de Jacques Maritain dans son « Paysan de la Garonne ».
Mais vint en février une nouvelle qui devrait réchauffer les cœurs des fidèles et des hommes de bonne volonté : le Bienheureux John Henry Newman (un des intellectuels Catholiques les plus éminents de tous les temps) sera canonisé, et S.E. Le cardinal Joszef Mindszenty (1892 – 1975) a été déclaré « vénérable ».
D’autres se chargeront certainement de parler de Newman, je souhaite me consacrer à la mémoire estompée de la grandeur et de l’héroïsme de feu le prince primat de Hongrie. Mindszenty, naguère bien connu, mais dont le souvenir s’estompe dans le monde occidental actuel, est honoré par l’Église pour ses « vertus Chrétiennes héroïques » consacrées à la défense de la liberté, de la dignité de l’Homme et de la liberté de religion contre les régimes totalitaires qui les écrasaient en Europe de l’Est lors des plus sombres années du vingtième siècle.
Cette récente information m’a renvoyé aux Mémoires de Mindszenty dont il commença la rédaction lorsqu’il était « l’hôte » de l’Ambassade des États-Unis à Budapest (1956 – 1971) puis publia en de nombreuses langues — dont l’Anglais en 1974, un an avant sa mort.
C’est l’œuvre d’un Chrétien dévoué et d’un patriote Hongrois aimant passionnément l’Église et son pays. Il méprisait les idéologies totalitaires de Droite comme de Gauche, qui prônaient la haine contre l’amour, l’athéisme et le matérialisme contre la dévotion à Dieu, et l’asservissement politique contre les libertés essentielles de l’Homme. Le langage de ses Mémoires est d’une grande clarté, honnête, et d’un bout à l’autre plein d’intégrité morale.
Mindszenty fut une victime de Bela Kun et de sa brève période de « Terreur Rouge » en 1919. Ce fut sa première arrestation par un régime totalitaire.Il fut arrêté à nouveau, en 1944, cette fois par le gouvernement « Arrow Cross » [Croix fléchée] Hongrois nazi qui le détestait, ainsi que les autres évêques Hongrois, pour leur condamnation des persécutions — et déportations — de Juifs Hongrois.
Même avant la prise de pouvoir incontestée des communistes Hongrois en 1947, Mindszenty avait gagné son auréole « anti-totalitaire ». Nouvel archevêque d’Esztergom, le prince-primat de Hongrie (titre traditionnel auquel il était fort attaché) ne se faisait aucune illusion sur le Bolchevisme — titre dont il se servait.
Contrairement à certains collègues de l’Épiscopat, il ne croyait pas que les communistes s’adouciraient ou pourraient jamais établir des relations pacifiques avec les principes Chrétiens et démocratiques. Bien que de simple origine paysanne, il était accusé d’être un réactionnaire, anti-sémite, soutien des privilèges, par tous, des apologues de la gaucha jusqu’à Eleanor Roosevelt. Ces « progressistes » ne portaient guère de critiques envers la gauche, mais confondaient volontiers les conservateurs Chrétiens avec des quasi-fascistes.
S.S. Pie XII , au nom des hommes de bonne volonté, dénonça la dictature Hongroise pour le traitement infligé à Mindszenty, « pire des humiliations » par une condamnation à la prison comme un criminel de droit commun lors d’un procès-spectacle. Mindszenty avait protesté contre la confiscation des établissements scolaires religieux en Hongrie et les attaques systématiques du régime communiste contre les libertés civiles et religieuses.
Mindszenty perdit en prison près de la moitié de son poids. Mais, tout comme Dostoïevsky, il découvrit qu’on peut rester un homme « bon » et « grand » en dépit des assauts des terribles tentations spirituelles.
Mindszenty fut libéré lors de la révolution Hongroise de 1956 et en fut un des héros. Le Premier Ministre Imre Nagy déclara nulles et non avenues toutes les accusations portées contre lui. Libéré, le Cardinal s’adressa avec grandeur à tout le peuple de Hongrie par un discours radio-diffusé le 3 novembre 1956.
Il déclara son attachement à un état constitutionnel voué humainement et pacifiquement à la nation Hongroise, à la « propriété privée limitée aux intérêts sociaux », à la liberté religieuse et au rétablissement de la presse et des écoles Catholiques (mais non à celui des anciens biens fonciers de l’Église).
Ses opposants de gauche et le gouvernement de Janos Kadar, qui prit le pouvoir après l’étouffement de la noble Révolution Hongroise en transformèrent les termes modérés et réconfortants en dépit de tout sens. Ce qui est une pratique courante de la gauche, encore de nos jours.
Trouvant refuge à l’Ambassade des États-Unis alors que les troupes soviétiques envahissaient Budapest, Mindszenty écrivit de nombreuses lettres aux Présidents et Secrétaires d’État Américains.
Il dénonçait le régime Kadar pour la répression contre les libertés politiques et religieuses, pour le génocide lié à l’encouragement à l’avortement, et l’asservissement à l’empire soviétique. (ces lettres ont été réunies en un document intitulé : N’oubliez pas cette petite et honnête nation).
Le titre est tiré de la première lettre adressée au Président Eisenhower alors que les Combattants pour le Liberté de Hongrie tombaient sous le feu des troupes soviétiques en 1956. Les lettres révèlent un Catholique consciencieux et fidèle tout comme un patriote Hongrois fier et engagé qui n’accepterait jamais la moindre compromission avec l’idéologie communiste.
Contraint de quitter la Hongrie en 1971 sous la pression du Président Nixon et de S.S. Paul VI il poursuivit ses déclarations contre la répression communiste auprès des communautés Hongroises en exil aux États-Unis, en Australie, en Afrique du Sud. S.S. Paul VI supprima en 1973 le siège d’Archevêque d’Esztergorn, poussant Mindszenty « à un exil total », comme il l’écrit, découragé, vers la fin de ses Mémoires.
Mais à présent il est le héros de tout le peuple hongrois (sauf de ce minuscule lot d’intellectuels méprisant l’héritage millénaire de saint Étienne). Le monde gardera longtemps le souvenir du courage héroïque de Mindszenty. Mais qui se souvient à présent du cardinal Casaroli, le Secrétaire d’État du Vatican poursuivant alors une malencontreuse politique d’arrangements (Ostpolitic) avec l’Est communiste ? Et qui gardera le souvenir du cardinal Lekai, Archevêque ayant succédé à Mindszenty, collaborateur notoire d’un régime idéologique qui supprima les libertés fondamentales de l’Église ?
Honorons — et conservons son souvenir — Joszef, cardinal Mindszenty pour sa fidélité à la vérité, à la foi, à son pays à l’ère de l’idéologie. L’Église a jugé ce grand personnage digne de vénération. Nombre d’entre nous — étudiants consacrés à Mindszenty et au totalitarisme — avions conclu ainsi depuis bien longtemps. Un vœu : qu’il soit prochainement déclaré Saint.
2 mars 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/02/the-heroic-christian-virtue-of-cardinal-mindszenty/
Illustration :
TIME – 14 février 1949 « la mort est une victoire »