L'exploitation des solitudes - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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L’exploitation des solitudes

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Un jeune homme de dix-huit ans s’est suicidé à Brest, à la suite d’un chantage exercé à son égard par une femme sur internet. Je ne détaille pas l’histoire : elle est triste, elle est pitoyable, et elle n’est pas exceptionnelle. On parle de dix mille cas d’escroquerie par an sur la toile. J’ajoute qu’ils ne concernent pas que des adolescents et des jeunes gens particulièrement vulnérables. On me rapporte des drames qui touchent des personnes d’âge mur et même des seniors, piégés par des gens sans aucun scrupule et qui exploitent les solitudes affectives de personnes isolées. Il n’est pas difficile d’imaginer le scénario. Une personne seule, célibataire, sans famille et qui n’a que son ordinateur pour se relier au monde extérieur. C’est le paradoxe le plus frappant de notre temps. Les moyens de communication de masse n’ont jamais été aussi développés, aussi sophistiqués, et en même temps l’incommunicabilité n’a jamais été aussi grande dans les concentrations urbaines et même dans les villages qui ont abandonné la sociabilité traditionnelle.

Jean-Pierre Le Goff dans son dernier ouvrage « La fin du village » a expliqué que c’était la télévision, et aussi l’automobile qui avaient tué la vie de la rue. Un Philippe Ariès s’était beaucoup montré intéressée par ce phénomène qu’il voyait perdurer en Italie. Toujours est-il que nous sommes désormais confrontés à la solitude, avec la multiplication du nombre des célibataires, ainsi que des familles monoparentales où, le plus souvent c’est la mère qui est seule pour élever l’enfant ou les enfants. Quelle tentation alors pour rompre la solitude de s’asseoir des heures entières pour nouer le contact avec l’éventuelle âme sœur, l’éventuel compagnon. Pour l’adolescent, les problèmes sont un peu différents, avec l’apprentissage souvent déviant de la vie amoureuse. Et donc pour compléter le dispositif, des escrocs qui exploitent les détresses et les faiblesses font du chantage et exigent de l’argent.

C’est donc qu’il y a quelque chose de pourri dans notre bon royaume, et jusque dans notre village planétaire, parce qu’il est malheureusement courant que, par exemple, les interlocutrices perverses lancent leur filet depuis d’autres continents. Il faut sans doute faire la police du web, mais on ne guérira pas les détresses par l’action de je ne sais quel Big Brother.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 31 octobre 2012.