La mort violente d’Osama Ben Laden, il y a deux semaines, a fait ressurgir, une fois de plus, la question de l’exceptionnalisme américain. En Europe, où je me trouvais alors pour la béatification de JPII, la plupart des média, de manière surprenante, ont loué l’opération du commando marine (SEAL), ainsi que le pays qui l’a menée à bien, le seul sur terre qui en soit capable.
Le rejet de l’exceptionnalisme américain est en revanche nettement plus fort et plus étrange ici aux Etats-Unis, s’alimentant parfois au courant d’auto-dépréciation qui nous est resté du Vietnam. Pour autant, certaines nations sont investies, à certaines périodes, par la Providence ou l’histoire, d’un rôle particulier : la Grèce, Rome, Israël, la France, l’Italie, l’Angleterre, et – depuis près d’un siècle – l’Amérique.
Depuis des années, et bien avant son élection pontificale, Benoît XVI a évoqué le rôle religieux prééminent que joue l’Amérique dans le monde moderne. A Vatican II, par exemple, les évêques américains ont pesé d’un poids non négligeable dans la formation de l’opinion sur la liberté religieuse. En tant que nation moderne qui a conservé une puissante religiosité populaire, le pays peut être un lieu privilégié où le dialogue entre un Christianisme rénové et la culture moderne sera réussi ou manqué.
A moins que les évolutions démographiques transformant les dynamique culturelles, les Etats-Unis ne sombrent – comme l’Europe – dans une stérile sénilité mécanisée, larguée par les chrétientés bourgeonnantes d’Afrique et d’Asie, voire de régimes autoritaires tels que la Chine.
Souvent les nations ne se comprennent pas elles-mêmes : dans son nouveau livre, « l’Idée de l’Amérique », l’historien américain Gordon Wood consacre un chapitre entier à la façon dont l’Amérique à ses débuts a aspiré dans plusieurs domaines à devenir une réincarnation de l’ancienne République romaine. Par exemple, un certain Joseph Warren avait porté la toge en 1775 pour prononcer l’oraison sur le massacre de Boston (ndt : répression de la révolte contre l’impôt colonial des colons de Nouvelle-Angleterre ; 5 tués en 1770. En 1775, ils avaient jeté à la mer une cargaison de thé, ce qui a donné lieu au nom de « tea party » repris aujourd’hui par les conservateurs républicains).
Il est bon de se souvenir de cette scène évocatrice lorsque la prochaine fois quelqu’un vous dira que le Catholicisme romain est fondé sur une tradition étrangère, en l’occurrence européenne. Le dix-huitième siècle – depuis Gibbon dans le déclin et la chute de l’Empire romain jusqu’aux révolutionnaires français – s’est quelque peu enivré d’une vision imaginaire de Rome. Mais ils possédaient au moins une vaste perspective historique des enjeux dans une république démocratique.
Nous avons désormais rejeté non seulement la foi traditionnelle mais aussi la raison traditionnelle sous la forme d’institutions politiques qui assurent en pratique, mais à titre partiel, un équilibre entre ordre et liberté aussi parfait qu’il est possible dans notre monde déchu. L’écrivain français Charles Péguy a souvent dit que la dé-républicanisation de la France allait de pair avec sa dé-christianisation. Quelque chose de similaire, quoique pas si total, est arrivé à ce pays au cours du siècle dernier.
Nous conservons encore une vision suffisamment claire de la vérité et, dans certains milieux, la volonté de réagir. Ne nous y trompons pas : en dépit de certaines illusions, une Amérique dé-christianisée ne serait plus une Amérique libre. La crise de l’humanisme moderne y révèlerait les extrémités de sa pauvreté. Les êtres humains, qui ne sont pas simplement des animaux dotés d’intelligence, fermés à ce qui dépasse leurs personnes ou ce bas-monde, s’en prendront les uns aux autres par frustration de toute reconnaissance des choses humaines les plus profondes, voire pire.
Continuer de défendre la cause dans des publications telles que celle-ci est important non seulement pour les Catholiques américains mais – en toute humilité vu le peu de mérite des canaux en usage – pour l’Amérique et le monde. Vous avez sans doute remarqué sur le site les liens vers nos partenaires français, italien, slovaque et espagnols. Si vous cliquez sur ces liens, vous verrez beaucoup de ce qui reste vivant pour les Catholiques des pays autres. A leur tour, ils se tournent vers nous – et le disent ouvertement – pour faire avancer des arguments plus difficiles à formuler dans les conjonctures qu’ils vivent. Pour le meilleur et pour le pire, le simple fait que la chose vienne d’Amérique lui confère une puissance culturelle accrue.
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Par Robert Royal est rédacteur-en-chef de The Catholic Thing et président de l’Institut Foi&Raison, Washington D.C.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/the-american-exceptionalism-thing.html