S.S. François s’oppose régulièrement aux idées qu’il perçoit comme dogmatiques, rigides, et — il insiste — imprégnées de légalisme, de « bon droit », ou d’hypocrisie. Par exemple, dans sa conclusion au Synode 2015 sur la Famille, il déclara : «Ce Synode nous a aussi fait mieux comprendre que les véritables défenseurs de la doctrine ne sont pas ceux qui s’attachent à sa lettre, mais à son esprit ; non aux idées, mais aux gens ; non aux formules mais à la générosité de l’amour de Dieu et de Son pardon.» Nous découvrons là une série de contradictions : la lettre opposée à l’esprit, les idées opposées aux gens, les règles opposées à l’amour et au pardon. Que comprendre de ces contradictions ? Il n’en dit mot.
Mais au long de son pontificat, François a fustigé le légalisme, tel qu’il l’entend, par des déclarations comme celle-ci : «Leurs cœurs, fermés à la vérité divine, ne s’attachent qu’à la vérité de la Loi prise au pied de la lettre.» et il poursuit : «Le chemin que Jésus nous a tracé est tout-à-fait à l’opposé de celui des docteurs de la loi. Et c’est le chemin issu de l’amour et de la justice qui mène à Dieu, à l’inverse de l’autre chemin tracé exclusivement selon les lois, la lettre des lois qui ferme toute issue sauf vers l’égoïsme [la satisfaction personnelle]. Le chemin qui mène de l’amour à la connaissance et au discernement, au plein épanouissement, conduit à la sainteté, au salut, à la rencontre avec Jésus.»
Ces déclarations laissent entendre, par exemple, un relâchement par Jésus des règles sur la sexualité dans les Lois Morales. Cependant, lors des discussions de Notre Seigneur avec les Pharisiens cherchant des échappatoires au sujet du divorce, du remariage et de l’adultère (Mc, 10:2-12 ; Mt, 19:3-12), Jésus les enferma dans les règles de sexualité de la Loi «en intériorisant et en radicalisant ses exigences… l’amour du prochain jaillit d’un cœur qui aime… disposé à en vivre les exigences les plus hautes.» (Jean-Paul II, Encyclique Veritatis Splendor §15). Moins d’échappatoires dans l’enseignement de Jésus qui insiste sur l’adultère commis dès le désir, et sur l’indissolubilité du mariage.
Ainsi, les déclarations de S.S. François posent un problème en semblant opposer l’Évangile et la loi morale. Mais la loi morale de Dieu énonce ce qui est bon dans la vie avec le Christ. «La loi morale est l’œuvre de la Sagesse divine», selon le Catéchisme de l’Église Catholique (§1950). S.S. François a malencontreusement, à de nombreuses occasions, atténué un point fondamental : la Loi, comme l’enseigne Paul (Rm, 7:12) est donc sainte, et porte le saint précepte, juste et bon, en vue du salut.
En fait, la section du Catéchisme relative aux Dix Commandements comporte 500 paragraphes à propos de la Loi de Dieu et de ses liens avec le salut. Quoi qu’on doive dire de la loi morale et du salut, il faut pour le moins préciser que nous nous trompons lourdement si nous pensons hériter du royaume de Dieu sans suivre les commandements divins. ((1 Co, 5:9-11 ; Ga, 5:16-26).
De plus, l’insistance absolue du pape à propos de légalisme est telle qu’il ne fait jamais appel à son contraire, l’antinomie (opposition à la loi). Et nous vivons assurément une époque d’antinomie, de subjectivisme moral, de soumission à l’émotion, de relativisme, d’éthique, face aux évènements. Plus encore, S.S. François ne pose jamais la vraie question : si la loi morale est bonne, ce qu’il croit certainement, quelle place lui attribuer dans la vie du Chrétien ?
Une chose est certaine, comme le théologien Luthérien David Yeago l’énonce à juste titre : «Nul ne trouvera chez St. Paul la moindre suggestion que la grâce et l’Évangile s’opposent à la Loi à la volonté de Dieu selon laquelle nous devons être véritablement droits et saints. »
Rappelons le principe Paulinien «…car la lettre tue, l’Esprit vivifie.» (2 Co, 3:6) Est-ce une allusion de S.S. François lorsqu’il oppose la lettre à l’esprit ? Il ne précise pas. Bref, le principe paulinien marque le contraste entre la lettre et l’Esprit. Plus précisément, comme le déclare à juste titre Herman Ridderbos, «L’antithèse entre la loi et l’Esprit . . . . ne se trouve pas dans le fait que l’Esprit domine à l’opposé du contenu et des prescriptions de la loi.»
Cette interprétation répond précisément au contraste suggéré par S.S. François entre « lettre et esprit », c’est-à-dire que selon lui l’Esprit serait au-dessus et « contre le contenu et les prescriptions de la loi morale ». Et on peut bien penser ainsi puisqu’il cite le contraste dans le contexte de la déclaration «les véritables défenseurs de la doctrine ne sont pas ceux qui s’attachent à sa lettre mais à son esprit. »
Poursuivons : l’essentiel de ce principe Paulinien, la lettre ou la loi tue car l’homme, pécheur, esclave du péché, n’a pas le pouvoir de respecter les préceptes de la loi. Ainsi, la loi elle-même n’a pas le pouvoir de susciter chez les pécheurs l’obéissance à la foi vitale. Seul, l’Esprit est en mesure de faire venir en nous la foi vivante.
De plus, la lettre tue, selon Victor P. Furnish «car elle nous persuade qu’on agit bien en suivant la loi alors qu’en fait bien agir n’est qu’un don de Dieu.»
C’est peut-être aussi ce que S.S. François avait à l’esprit lorsqu’il soulignait le contraste entre les formules et la justice. La justice ne provient pas d’une rigueur accrue à suivre formellement les commandements. Et cependant, Jésus demande (Mt, 5-20) une justice qui « surpasse », comme le rappelle à juste titre Joseph Ratzinger.
Ainsi, la grâce de l’Esprit Saint est l’agent efficace qui « donne la vie » en changeant le cœur des hommes, changement transmis par la foi en Jésus-Christ, qui nous rend capables de respecter la loi en toute liberté par la soumission obéissante à la foi.
Oui, pour St. Paul, la loi exprime la volonté de Dieu. La loi morale tient sa signification, comme dit St. Paul «La Loi, elle est donc sainte… et juste et bonne.» (Rm, 7-12) et donc aucune entorse à la loi morale ne peut être prévue ou admise, même selon la plus rigide interprétation du légalisme.
Pleins de respect, on apprécierait des éclaircissement de la part de notre Pape François.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/12/01/is-the-gospel-opposed-to-the-law/
Tableau : Les pharisiens interrogent Jésus. James J. Tissot, vers 1890 – Musée de Brooklyn.