Quelle influence aura sur le scrutin britannique le drame de l’assassinat de Jo Cox, cette parlementaire travailliste, ardente avocate du maintien de son pays dans l’Union européenne ? Il est encore difficile de le savoir. Les deux camps, occupés à un bras de fer impitoyable, ont eu la sagesse d’observer un temps de silence et de deuil. Mais dès hier, la campagne a repris de plus belle, avec l’échange des arguments que nous connaissons. Ce n’est pas dans cette querelle que je voudrais entrer, mais en prenant un peu de distance c’est sur le sens de cette remise en cause de l’Europe que je désire m’interroger.
Il semble d’ailleurs qu’il existe à ce propos une sorte de consensus minimum. Quelle que soit l’appréciation sur ce qu’on peut appeler l’Europe bruxelloise, il y a un peu partout une requête à propos du projet européen. Certains, qui sont pourtant de fermes partisans d’une union renforcée, vont même jusqu’à évoquer une véritable refondation. C’est le cas d’Elisabeth Guigou et de ceux qui sont préoccupés du divorce entre l’Europe et les peuples. C’est aussi celui d’Hubert Védrine, qui préconise une pause pour refonder. Mais l’ancien collaborateur de François Mitterrand se démarque de ceux qu’il appelle les européistes, en rappelant le nécessaire ancrage national des peuples, sans lequel il n’y a que construction bureaucratique.
Que signifie exactement cette fédération d’États-nations dont Jacques Delors avait inventé la formule, intéressante au demeurant, car elle concentre l’originalité et le défi : unir les nations par le haut, sans les détruire. Où se situe le bon équilibre entre la souveraineté nationale et la souveraineté dite partagée ? Et puis, quelles sont les finalités véritables de l’Union ? Objection, votre honneur. Avons-nous le temps de tout remettre à plat alors que la construction est en péril, que les dangers nous pressent ? Objection valable, si c’est l’indécision qui devait prendre le dessus. Mais quel que soit le résultat du référendum britannique, les questions resteront posées et les réponses qui seront apportées seront déterminantes pour les années à venir. L’Europe ne pourra pas survivre au doute et plus encore au désaveu des peuples qu’elle entend rassembler.