Décidément, il y a quelque chose qui cloche dans notre organisation politique la plus générale. L’Europe, nous dit-on, non contente d’avoir été gravement bousculée par le Brexit, se trouverait maintenant bloquée par la résistance non pas de la Belgique, mais de sa seule province Wallonne, à l’accord de libre-échange négocié avec le Canada. Certains s’en étranglent de fureur. Les Wallons qui ne représenteraient que 0,5 % du commerce transatlantique avec le Canada imposeraient ainsi leur volonté à 500 millions d’Européens. Je ne suis pas sûr que l’affaire puisse se résumer d’une façon aussi lapidaire, car lesdits Wallons disposent d’un capital de sympathie et de complicité dans toute l’Europe, qu’il conviendrait d’évaluer exactement.
Par ailleurs, il faut tenir compte de l’immense querelle à propos des échanges commerciaux dans le cadre de la mondialisation. Les opinions s’affrontent vigoureusement à ce propos, entre ceux qui prônent une libéralisation intégrale des marchés avec toutes les conséquences qui s’en suivent et ceux qui, tel Arnaud Montebourg, dénoncent un dumping social qui met en danger des centaines de milliers d’emploi dans notre pays. Je n’arbitrerai certainement pas cette querelle aujourd’hui, mais je constate qu’il est difficile d’apporter en ce domaine des réponses simples à partir de données aussi complexes.
Et puis il y a une autre dimension à envisager en dehors de l’économie, c’est celle des structures politiques, telles qu’elles s’enchevêtrent : européennes, nationales, régionales. Ceux qui se plaignent que le local vienne déstabiliser le dispositif d’ensemble oublient peut-être qu’il n’y a pas si longtemps toute une propagande tentait de dévaloriser les nations au profit d’une Europe des régions. Là encore, il n’est pas aisé de trouver le juste équilibre entre toutes les composantes qui vont du local au confédéral en passant par le national. S’ajoute à cela une querelle sur les identités. Mais c’est peut-être parce que les communautés historiques durables sont déstabilisées que cette querelle a pris tant d’importance. Il serait temps de réfléchir au fond des choses un peu tranquillement, pour éviter que tout n’explose.