L'Europe, demain… - France Catholique
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L’Europe, demain…

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Au lendemain du référendum britannique, l’Europe tout entière semble un peu sonnée, et le monde lui-même semble troublé, sinon déstabilisé. Ce qu’il est convenu d’appeler le sens de l’histoire est devenu incertain. Les religions séculières, dont parlait Raymond Aron, s’entendaient pour l’essentiel sur une sorte de dynamique du progrès quasiment irréversible. Ceux qui contestaient cette dynamique étaient dédaignés comme des réactionnaires obtus, fixés sur le passé. Bien sûr, un tel sentiment peut subsister aujourd’hui du côté de ceux qui s’estiment toujours en phase avec le progrès. Mais leur position est fragilisée, car d’autres paramètres sont apparus. Même aux États-Unis, il n’est plus évident de penser que la prochaine génération sera mieux lotie que la précédente. Il est même probable que son niveau de vie sera inférieur. De même, le défi écologique renverse les perspectives en donnant un nouveau contenu à l’activité économique. C’est le même Raymond Aron qui parlait des désillusions du progrès.

Avec l’Europe, il en va un peu de même. Le sens de l’histoire appelait l’unification des peuples, et pour les constructeurs celle-ci était inéluctable. Cela semble moins vrai aujourd’hui. Et c’est un refrain amer qu’on entend en beaucoup d’endroits. Je relève ainsi l’éditorial de Laurent Joffrin dans Libération : « Une Europe sans âme, sans projet commun, sans réaction lisible dans la crise migratoire, sans plan efficace pour sortir du marasme, n’entraîne plus les opinions. » Les peuples se méfient d’une Union lointaine, technocratique, élitiste.

Il faudra sans doute attendre un peu pour mieux mesurer les conséquences du Brexit. Le solide pragmatisme de nos amis britanniques veillera à éviter les chocs trop brutaux. Il faudra du temps pour renégocier un nouveau modus vivendi européen. Et puis à peu près tout le monde s’accorde sur l’idée que le projet commun est à réexaminer, à refonder. L’Europe en crise ne débouchera pas forcément sur l’Europe désunie. D’autres modalités de coopération peuvent être expérimentées, des objectifs peuvent être définis parce qu’ils sont susceptibles de créer un consensus. Une crise n’est pas forcément fatale, elle peut être l’occasion d’un jugement, comme l’étymologie du mot l’indique, un jugement salvateur.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 27 juin 2016.