Le Conseil d’État ayant rejeté le recours formulé notamment par les évêques de France afin de demander la suspension de l’interdiction des messes, cette décision a été accueillie par beaucoup de catholiques avec tristesse. Elle donne même lieu à des manifestations de protestation publique devant les cathédrales. Une polémique assez vive est née aussi entre ceux qui acceptent cette interdiction en raison de la priorité des mesures sanitaires et ceux qui expriment leur souffrance d’être privés de ce qui nourrit par excellence la vie chrétienne. Il est vrai aussi que cette polémique s’élargit avec les remontrances de ceux qui craignent que le confinement ne porte atteinte à la liberté humaine. C’est le discours développé notamment par le philosophe André Comte-Sponville et qui reçoit un écho certain.
Reconnaissons que l’équilibre est difficile à trouver et que les exigences sanitaires relèvent, dans leur ensemble, d’une sagesse élémentaire. En ce qui concerne les catholiques, cet équilibre est plus délicat encore, car l’eucharistie est bien « la source et le sommet de la vie chrétienne » pour reprendre les termes de Vatican II. Il ne peut être question de minimiser cette réalité fondatrice, que le cardinal de Lubac avait bien mise en lumière, de la liaison intime de l’Église et de l’Eucharistie. Si c’est l’Église qui célèbre l’Eucharistie, c’est l’Eucharistie qui construit l’Église. Il n’est donc pas envisageable de se priver de la messe, comme s’il s’agissait d’un rite contingent. Et mère Teresa serait bien surprise qu’on invoque son exemple pour dissocier l’exercice concret de la charité de la célébration des saints mystères. Autant expurger l’Évangile de saint Jean de son chapitre 6 : « Qui mangera ce pain vivra à jamais. »
Plutôt que d’opposer l’un à l’autre, il conviendrait mieux de les associer. Car c’est bien l’offrande du Christ qui nous ouvre à tous les dons de la charité.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 novembre.