Il existe, semble-t-il, d’étranges similitudes entre le débat très franco-français sur la réforme des retraites, et celui sur la révision des lois de bioéthique.
D’abord, l’absence de prise en compte du temps long et de la succession des générations. Que ce soit sur la question des retraites, où malgré les discours, l’on n’entend guère de véritable réflexion ni de diagnostic partagé sur les nouvelles données démographiques : vieillissement, absence de financement du système actuel, impact pour les générations suivantes ?…
Dans le cas de la bioéthique également, l’extension de la PMA risque de conduire à l’avenir à un brouillage généralisé de la filiation, préparant un monde où la stabilité et les repères familiaux deviendront l’exception, avec des conséquences incalculables sur l’équilibre des enfants.
Voilà pourquoi, à la veille de l’examen au Sénat de la future loi bioéthique, le 21 janvier, les évêques français ont de nouveau publié une sévère mise en garde contre ce qu’ils considèrent comme une « grave méprise ».
Selon eux, la réforme mettrait en péril l’avenir même de la société, en faisant primer le droit des parents sur le respect absolu dû à l’enfant, et à sa construction psychique.
Le rôle de l’état en question
Mais il y a plus. Dans les deux cas, retraites et PMA, on demande aussi à la loi, et à l’État chargé de l’appliquer, de réparer les injustices de la nature – infertilité – ou l’inégalité des conditions de travail. « Il n’est pas de méchants, il n’existe que des souffrants », constatait déjà Victor Hugo en son siècle romantique et sentimental, stigmatisant ainsi la propension à rendre la société coupable de tous les maux individuels. Auxquels l’État se trouvait dès lors sommé de répondre.
En germe, était ici légitimée notre conception moderne de « l’État-providence », d’un état-mamma chargé de soigner les souffrances de chacun, et qui, au final, prend la place de Dieu. Supprimant au passage les conséquences du péché originel, et modifiant les données élémentaires de la nature lorsque celles-ci s’opposent aux revendications individuelles.
Bien sûr, il faut chercher à corriger ces inégalités, quand cela est juste. Mais en octroyant sans cesse plus de droits – à avoir un enfant, à la retraite – on en oublie leur nécessaire contrepartie dans une société équilibrée : les devoirs que chacun a envers son pays. C’est ce que les Romains antiques appelaient la pietas, c’est-à-dire le souci du bien commun, qui prévaut sur les individus.
Couronné par la charité chrétienne – envers Dieu et le prochain –, ce souci du bien commun a constitué l’identité de l’Europe, rappelait le pape François dans son récent discours aux ambassadeurs. Il devient ainsi urgent de retrouver ce sens civique, sous peine de conduire le pays, ajoutaient encore les évêques de France, dans une « fuite en avant » où l’être humain devient une marchandise, un objet, au nom de la satisfaction de désirs individuels.