Il ne nous est pas possible, en ces jours, d’échapper au Japon, à la terrible tragédie qui touche ce pays. Les multiples images que ne cessent de nous renvoyer nos chaînes de télévision ne peuvent que hanter nos imaginations. De tous les fléaux qui menacent les populations, les tremblements de terre, et les tsunamis qui les accompagnent, sont les plus redoutables, par l’intensité des dégâts qu’ils produisent, et en premier lieu les pertes en vies humaines. Et que dire de la crainte d’un accident nucléaire majeur dans un pays marqué par Hiroshima ? Il s’ajoute encore à tout cela un sentiment intense d’insécurité. On me l’avait expliqué il y a déjà bien longtemps, à propos d’un séisme qui s’était produit dans le Nord de l’Italie et dont la puissance et les dommages étaient infiniment moindres. à ce séisme avait succédé une dépression morale généralisée qui avait atteint toutes les paroisses d’une région profondément catholique.
Ce qui est en cause, en effet, c’est une certaine sécurité ontologique élémentaire. Il y a entre l’homme et la nature un pacte spontané. N’est-elle pas le cadre de notre vie, ne nous donne-t-elle pas tout ce dont nous avons besoin pour vivre ? Dès lors que ce cadre est brisé, nous risquons d’errer hagards dans nos paysages dévastés. Il est vrai qu’au Japon l’habitude des tremblements de terre a façonné une certaine mentalité. Dès le plus jeune âge, on apprend à faire face, à surmonter sa peur, à adopter les gestes de survie nécessaires. Sans compter que le pays tout entier s’est construit pour prévenir les menaces et que les structures de son architecture sont conçues pour résister à la violence des secousses.
Il n’empêche que cette dureté de la nature dessine une blessure en nous-mêmes. Volontiers, selon le conseil d’Hölderlin, nous habiterions en poètes ces paysages qui nous ont été offerts et que nous admirons. Mais lorsque le pacte est rompu ? Reste sans aucun doute cette fraternité presque élémentaire que décrivait Albert Camus dans La peste et qui incite chacun à secourir le prochain dans une dynamique d’entraide. Et lorsque le fléau revêt une ampleur d’apocalypse ? Seule, sans doute, émerge l’espérance eschatologique. Benoît XVI en parle dans son second volume sur Jésus de Nazareth. La parole du Sauveur est encore plus forte que tous les chaos du cosmos. Mais cela, c’est le langage de la foi pure ! En est-il un autre lorsque tout s’écroule ?
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 14 mars 2011