L'épopée polonaise - France Catholique
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L’épopée polonaise

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La scène doit se passer quelques temps après les élections polonaises de 1989. Elles ont permis à Solidarnosc de remporter la majorité en battant le Parti communiste, tout puissant dans le pays depuis la glaciation stalinienne de l’après-guerre. Elle a lieu à Paris, à quelques centaines de mètres de l’avenue des Champs Élysées, rue Jean Goujon, précisément au centre culturel polonais. Je suis présent, assez ému. N’est-ce pas le nouveau Premier ministre, venu de Varsovie, qui est le héros de la fête ? Tadeusz Mazowiecki parle un excellent français et il est heureux de s’adresser à un public parisien avec lequel il est en connivence. Je me souviens d’avoir vu à ses côtés le prix Nobel François Jacob.

Mais ce qui m’émeut le plus, c’est le sentiment de la victoire d’un peuple avec lequel nous étions en si profonde communion. Il y a quelques semaines encore, le directeur du centre culturel était un communiste issu de l’appareil. Aujourd’hui, c’est mon ami très cher, Bogusław Sonik qui l’a remplacé. Je l’avais vu arriver à Paris avec son épouse et son petit garçon, démuni de tout. Il sortait de prison où il avait été enfermé au moment du coup d’État du général Jaruzelski pour casser Solidarnosc. Mais nous étions certains que l’épopée polonaise irait à son terme grâce à l’élan de tout un peuple, puissamment inspiré et soutenu par son pape venu de Cracovie.

J’ai repensé à cette scène parce que Tadeusz Mazowiecki vient de mourir à 86 ans et parce que je mesure encore mieux le véritable miracle que fut cette sortie du totalitarisme qui se fit sans haine et sans violence. Même le général Jaruzelski rend hommage à celui avec qui il cohabita en 1989 pour assurer la transition nécessaire. L’histoire se poursuit décidément trop vite. On n’en oublierait ces événements d’il y a trois décennies. Mais il furent d’une telle nature qu’ils méritent de nous inspirer aujourd’hui. La volonté peut briser les chaînes de l’oppression et ne pas sombrer dans la logique de la vengeance.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 29 octobre 2013.