Le pape, en s’adressant aux familles, réunies place Saint-Pierre à l’occasion de leur pèlerinage mondial, a célébré « l’entrelacement des générations ». Celui-ci se trouvait symbolisé par une icône figurant la Présentation au Temple de l’Enfant Jésus, entouré de Marie et de Joseph, mais aussi du vieux Siméon et de la prophétesse Anne. Il est assez peu courant d’insister sur cet aspect de la vie familiale qui consiste en la solidarité des générations. Il est vrai que le mariage-sacrement concerne les deux époux qui consacrent leur union. Mais celle-ci est explicitement référée à l’accueil des enfants, et dans la bénédiction nuptiale d’autrefois il était évoqué la joie de connaître les générations suivantes. Il est donc peut-être nécessaire aujourd’hui de revenir à la famille au sens large et à la gratitude affectueuse à l’égard des grands-parents dont le pape dit qu’ils sont « la sagesse de la famille ». Mieux encore, a-t-il précisé, « un peuple qui n’écoute pas les grands-parents est un peuple qui se meurt ».
Je ne puis m’empêcher de rapprocher cette insistance de François d’une notion sur laquelle Alain Finkielkraut s’attarde dans son dernier essai, intitulé L’identité malheureuse, qui est au centre d’un débat parfois assez âpre. En effet, n’est-ce pas l’attention à l’héritage qui est en cause avec la sagesse des anciens ? Or, le respect à l’égard de la parole des anciens requiert ce que les Grecs appelaient l’aidos, c’est-à-dire la réserve, la modestie, la pudeur qui naissent en nous du regard des autres et nous rendent disponibles à l’égard de la transmission de ce qui ne vient pas de nous et que nous accueillons avec gratitude.
Peut-être trouvons-nous ainsi les correspondances entre ce qui nous vient de l’enseignement biblique et évangélique et la sagesse inhérente à la civilisation, notamment dans ses sources grecques. Pas de sagesse humaine, sans égard pour la transmission et sans tendresse entre générations. « Une société qui abandonne les enfants et marginalise les anciens, a encore dit François, coupe ses racines et assombrit son futur. »
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 28 octobre 2013.