Laissons aux politologues, aux experts en sociologie électorale, le soin d’analyser les résultats de cet étrange second tour des élections municipales. Le record d’abstention est forcément à mettre en relation avec la crise sanitaire dont nous ne sommes pas sortis. Est-il vraiment possible, avec une participation si faible, d’accomplir un diagnostic sur la réalité des mouvements internes à l’opinion française ? Il est tout de même singulier que les deux formations qui obtiennent les scores les plus importants aux élections nationales, à savoir le Rassemblement national et La République en marche, soient sous-représentés à l’échelon communal. Cela s’explique évidemment pour des raisons d’implantation locale. Les Républicains et les socialistes conservent leurs fiefs, grâce aux personnalités qui les tiennent solidement. Mais il n’est pas avéré qu’il seront en capacité de reconquérir prochainement la présidence de la République et le Parlement.
En revanche, il ne fait pas de doute que ceux qui ont marqué le plus de points dans cette compétition, avec les réserves qui s’imposent, sont les écologistes. Des écologistes qui manifestent leur puissance dans les plus grandes villes du pays. Sociologiquement, c’est intéressant, car si l’on se réfère aux travaux de Christophe Guilluy et de Jérôme Fourquet, c’est là où les flux de la mondialisation s’avèrent les plus positifs qu’ils rencontrent leurs succès, et non dans la France périphérique, celle des Gilets jaunes précisément. La sensibilité écologiste semble s’épanouir de façon privilégiée dans les classes aisées. C’est une première remarque.
La seconde concerne l’énigme de l’écologie politique. Sans doute, depuis la candidature de René Dumont à la présidentielle de 1974, un courant écologique s’est affirmé au long des décennies, avec déjà des victoires partielles, notamment aux européennes. Pour autant, il n’est pas assuré que l’identité intellectuelle du phénomène soit complètement lisible. Sans doute échappe-t-il à la traditionnelle opposition de la droite et de la gauche, mais c’est une raison pour laquelle il est difficilement identifiable historiquement. D’ailleurs, chez certains idéologues on trouve une haine de l’histoire dans la mesure où l’histoire est l’anti-nature, où elle ajoute à la nature ou la contredit. C’est pourquoi, personnellement, je m’interroge avec perplexité sur cette nouvelle donnée qui transforme notre sociologie électorale. Autant je suis proche de quelques uns des pionniers de l’écologie comme Jacques Ellul, autant je suis circonspect devant l’énigme de cet écologisme encore mal formulé.