Qui est vraiment le pape François ? Poser la question, c’est avouer qu’il y a une énigme Bergoglio. Le personnage est d’évidence sympathique, en vertu de sa simplicité, de son caractère direct. Dans son Dictionnaire amoureux des Papes (Plon), qui sera en librairie dans les jours prochains, mon excellent collègue Bernard Lecomte note que le pape François « a une façon très personnelle de poser les questions, de provoquer le débat, de proposer des solutions. Ce pasteur formé chez les jésuites est parfois déconcertant, maladroit ou provocateur. Mais, par petites touches, il aura contribué à changer l’image de la papauté aux yeux du reste du monde, et notamment auprès des médias. » Cela me paraît incontestable, mais en même temps, j’ai envie d’ajouter : attention ! Ce Pape sympathique n’est pas forcément consensuel, il provoque des oppositions parfois frontales. Exemple : l’opinion catholique, favorable aux options libérales en économie, n’a pas du tout apprécié l’encyclique sur l’écologie. Il y a quelques jours seulement, dans l’avion qui le ramenait du Mexique, le Pape a eu des mots très durs à l’égard des politiques qui construisent des murs et non des ponts entre les peuples. D’où une grosse polémique qui a rebondi en France.
Les médias lui ont accolé très vite le qualificatif de progressiste, mais le mot est piégé, il se rattache à tout un contexte culturel ancien, et s’il signifie quelque chose, il faudrait le définir à frais nouveaux. J’ai même entendu parler d’un pape « libéral ». Le terme est foncièrement ambigu, mais il me paraît impropre. S’il fallait à toutes fins trouver une catégorie pour classer le Pape, j’affirmerais volontiers qu’il fait partie des intransigeants. Intransigeant tel que le cher Émile Poulat le concevait pour la culture catholique issue du XIXe siècle, et qui implique des déclinaisons très différentes. Avec un point commun cependant, l’intransigeance de la foi, le refus de céder aux accommodements idéologiques faciles.
À diverses reprises, François a montré sa familiarité avec notre compatriote Léon Bloy. Un fameux intransigeant, que sa franchise amènerait aujourd’hui, tous les jours, au tribunal pour propos très politiquement incorrects. Mais il y a plus encore. Le jésuite Bergoglio est un fervent disciple de saint Ignace de Loyola, dont la spiritualité l’habite jusqu’à la moelle. Attention de ne pas céder aux apparences. Ce serait la meilleure façon de ne rien comprendre à l’énigme du pape François.