« Envoie les en enfer, Harry » résonne tout au long de la présidence Truman. Mais généralement parlant, l’enfer a mauvaise réputation. Même s’il n’existe pas, il a quand même mauvaise réputation. Personne ne veut y aller, surtout si ses péchés sont écarlates. Et vraiment, personne ne pense qu’il devrait y aller, quand bien même ses péchés seraient écarlates ou pire.
L’effet de la position « personne ne mérite l’enfer » est de faire en sorte qu’il semble que rien de ce que nous faisons, aux autres ou à nous-mêmes, ne fait de différence finale dans l’univers. Chacun reçoit sa récompense éternelle, si elle existe, juste parce qu’il est qui il est, indépendamment des ses croyances et de ses actes.
Nous lisons dans la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens (chap. 1) que « Il viendra dans un feu flamboyant pour imposer le châtiment à tous ceux qui ne reconnaissent pas Dieu et refusent d’accepter la Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus. Leur châtiment sera la damnation éternelle, être exclu de la présence du Seigneur, de la gloire de Sa puissance en ce jour où Il vient pour être glorifié parmi Ses saints ». Parlez-moi d’un message contre-culturel !
Bien que peu semblent y réfléchir, l’Enfer est vraiment un bon sujet de réflexion. On peut y penser même si on n’accepte pas ou ne veut pas accepter sa réalité. Ironiquement peut-être, l’enfer peut être et est en enseignement très positif et une réalité. Ses origines se sont pas exclusivement judéo-chrétiennes, comme le sait quiconque a lu le dernier livre de Platon : « La république ».
Nous entendons sur ce sujet des opinions divergentes parmi les théologiens, pour beaucoup, c’est un sujet troublant. Dieu n’est-il pas cruel de seulement mentionner l’Enfer ? Pourtant, il est difficile de lire le Nouveau Testament (certains le font cependant) sans conclure que le Christ n’a pas de problème avec l’Enfer, si ce n’est pour nous garder d’y aller. Il voulait également sauver chaque personne. Mais Il pouvait uniquement sauver celui qui, par sa façon de vivre et ses choix personnels, ne méritait pas d’y aller.
La seule chose que même Dieu ne peut pas faire, c’est de créer un être rationnel et libre pour finir en le sauvant malgré ses propres choix. Le point central pour vivre la vie intérieure de la Trinité, ce à quoi nous sommes invités mais non contraints, est que chacun doit y être librement. Aucune amitié n’est possible avec un homme ou avec Dieu si elle est contrainte. Si l’homme n’avait été créé que pour vivre la vie intérieure de Dieu sans contribution de sa part, on ne pourrait pas trouver de réelle raison de le créer.
Je me rappelle avoir lu quelque part dans Hannah Arendt que le second président des Etats-Unis, John Adams, a dit que la doctrine de l’Enfer était l’enseignement chrétien (et platonicien) le plus important pour un politicien.
Nous pourrions nous demander pourquoi Adams a dit une chose aussi étrange ? Quand nous regardons la scène politique actuelle, cela ne nous semble plus si étrange. Les fondements de tout ordre civilisé ont été minés pas un volontarisme systématique qui non seulement permet tout, hormis peut-être la vertu, mais insiste également à tous les niveaux pour appeler bien ce qui est mal.
Effectivement, beaucoup ont insisté pour changer l’être que Dieu a initialement créé à sa propre « image », une image qui a rapidement éliminé toute intelligibilité donnée tant dans le corps que dans l’âme de l’homme.
La seule chose à ajouter à cette reconnaissance est que les collectivités ne « pèchent » pas. Elles n’ont pas d’âme immortelle. Les péchés ne sont commis que par des individus responsables du rejet à la fois de ce qui est révélé et de ce qui peut être connu par la raison. Suis-je en train d’affirmer que les penseurs et les politiciens de tous pays, y compris le nôtre, qui soutiennent ces déviances, sont ici concernés ? Effectivement.
Une opinion populaire est que l’Enfer existe effectivement mais que personne ne s’y trouve. Dieu a résolu la manière de sauver tout un chacun en dépit de son palmarès de péchés et de ses actes mauvais. Puisque Dieu voulait que tout le monde soit sauvé, comme il l’a fait, alors chacun est sauvé, en dépit de lui-même. Ou peut-être qu’à l’heure H, même les pires pécheurs recevront la grâce de se repentir et ils le feront.
Nous pouvons spéculer sur ces opinions. Elles ne sont pas théoriquement impossibles. Mais l’auteur de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens a dit que, s’ils refusaient la Bonne Nouvelle, ils seraient damnés « éternellement ». La logique de cette position implique que, s’ils sont sauvés, c’est qu’ils ont, d’une certaine manière, implicitement ou explicitement, accepté la Bonne Nouvelle.
J’ai mentionné plus haut que l’Enfer est une doctrine positive. Comment ? Chaque personne humaine est si importante que quiconque pèche gravement contre Lui (voyez les commandements), quand et où que ce soit, est digne de l’Enfer s’il ne se repent pas. Exprimée positivement, la réalité de l’enfer définit ce que nos relations mutuelles devraient être, quelque chose de noble, de parfait.
James V. Schall, S.J., qui a été professeur à l’université de Georgetown durant trente-cinq ans, est l’un des écrivains catholiques les plus féconds en Amérique.
Illustration : « la gueule de l’Enfer » par le maître de la Cité des dames, vers 1410 [Bibliothèque Nationale de France, Paris]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/25/on-hell/