« L’Eglise va-t-elle disparaître ? », de Jean-Claude BARREAU - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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« L’Eglise va-t-elle disparaître ? », de Jean-Claude BARREAU

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A la fin du livre, à la suite du rappel des titres déjà publiés, Jean-Claude. Barreau ajoute qu’il revient aux Éditions du Seuil « comme le navigateur à son port d’attache ». En effet son dernier livre : « L’Église va-telle disparaître ? » me semble faire écho à un de ses tout premier « La Foi d’un Païen », publié chez le même éditeur il y a quelque cinquante ans. J.-C. Barreau jeune prêtre, issu d’un milieu très anticlérical, confiait sa conversion et son cheminement vers le sacerdoce. Ce fut un événement ! Mais quand en 1971 il demanda à être « réduit à l’état laïque » et se maria, ce fut selon ses mots un « terrible vacarme médiatique ». Vacarme qui laissa les catholiques désemparés. Il avoue : « À cause de mon grand-père bouffeur de curé je succombai au premier choc ».

Les deux livres sont courts, écrits dans une langue simple, agréable, directe.

C’est sans doute pour faire le « buzz » que l’auteur a pris comme titre cette interrogation angoissante. Il ne remet pas en cause sa foi. Bientôt octogénaire il réaffirme sans ambiguïté « Je veux rester fidèle à la conversion de mes vingt ans », il fait siennes les paroles de Jacques Villon : « En cette foi je veux vivre et mourir ». Ses sentiments vis-à-vis de l’Église sont contradictoires. Il voit parfois en elle «  un gros animal qui crache de la « moraline » mais considère qu’elle donne du sens à un monde insensé et que sa disparition serait un malheur pour l’humanité. Il cite le Bernanos des Grands Cimetières sous la Lune « L’Église n’est pas parfaite. Elle va clopin-clopant de ce monde à l’autre. Elle commet bien des fautes. Elle les expie… »

Jean-Claude Barreau a une haute idée de la transmission sacerdotale « longue chaîne d’imposition des mains, chaîne historique jamais rompue jusqu’à ce jour depuis le dernier repas du Christ… ». Il affirme avec Simone Weil que l’Eucharistie est le plus haut des rites religieux. Il redoute que la crise des vocations sacerdotales entraîne le dépérissement et même la disparition de l’Eucharistie et il propose carrément un nouveau statut du clergé…  

« L’évêque de Rome en vertu des pouvoirs qu’il tient des apôtres autoriserait les autres évêques qui reconnaissent son autorité à ordonner des prêtres choisis parmi les bons fidèles du peuple chrétien ». Ils les choisiraient parmi les gens ayant de « la bouteille ». Gardant leur activité ils seraient prêtres à temps partiel et bénévole. Le fonctionnement serait proche de celui d’une association. Ce vaste projet me fait penser à la phrase de Benoît XVI : « Quand les religions s’assimilent au monde, elles deviennent superflues ».

En dehors de ce thème central, l’auteur, au fil des pages, signale avec une lucidité courageuse quelques vérités oubliées. L’idée de progrès est judéo-chrétienne. L’islam est bloqué avec le « C’est écrit ». Les religions orientales sont prises dans la roue de l’éternel retour. Les Chinois ont inventé la poudre et la boussole mais ce sont les Occidentaux qui ont découvert le canon et fait les grandes découvertes, dit-on souvent. Ancien président de l’Institut National des Études Démographiques il rappelle une vérité cachée : ce n’est pas l’explosion démographique qui est à redouter mais l’implosion. Dans le monde les pays qui renouvellent leur population sont de plus en plus rares. Il voit dans l’altérité homme – femme « une source de richesse, de joie et d’art », il pense que le néopédagogisme à la Meirieu est fumeux, il remet à sa place l’athéiste Michel Onfray…
Jean-Claude Barreau aime les expressions surprenantes. « Si on installait le Pape dans l’Himalaya et le Dalaï-Lama au Vatican on y verrait guère de différence  » ! Les jeunes prêtres en soutane sont pour lui des OVNI. Mais il ne semble pas gêné par le relativisme doctrinal (pêché originel) et par l’effacement liturgique (fini les chasubles, l’encens…)

En dehors de Jean XXIII, il juge sévèrement les derniers papes. Mais il est injuste et injurieux avec « l’épouvantable » Pie XII : « le Pape le moins chrétien de l’histoire… qui a gardé le silence devant le génocide des juifs…. sa canonisation serait une forfaiture… ». L’auteur semble ignorer que Israël Zoller, Grand-Rabbin de Rome pendant la guerre, s’est converti au catholicisme et a choisi comme prénom celui du Pape «  Eugénio », que pour le dixième anniversaire de la fin de la guerre, pour rendre hommage à Pie XII, un orchestre israélien donna un concert au Vatican… que quand il mourut les louanges furent unanimes. Golda Meir salua la mort d’ « un grand serviteur de la paix »… La légende noire et mensongère débuta quelques années plus tard avec la publication par Le Seuil de « Le Vicaire ». Le Seuil publia peu après « Rome et les Juifs » du juif Pinchas Lapide ,qui faisait l’inventaire des bonnes actions du pape en faveur des juifs… D’après lui, il sauva entre 700 000 et 850 000 Juifs.

Quand à son silence il peut s’expliquer, se comprendre. Les paroisses, les couvents de Rome cachaient des milliers de juifs. Or le Pape savait qu’en Hollande, après la dénonciation des arrestations par l’épiscopat catholique, les nazis prirent les juifs dans les couvents. C’est ainsi que Edith Stein (Sainte Bénédicte de la Croix) et sa sœur Rosa furent arrêtées et moururent à Auschwitz. C’est pour protéger les juifs de Rome que Pie XII choisit le silence.

« L’Église va-t- elle disparaître ? » clair, érudit, parfois irritant. 130 pages, 16 euros aux Éditions du Seuil.