Qu’est-ce qu’un lobby ? La définition du mot est assez simple. Le lobby désigne « un réseau de personnes créé pour promouvoir et défendre les intérêts privés d’un groupe donné, en exerçant les pressions ou influences sur les personnes ou institutions publiques détentrices du pouvoir ». Cette définition générale appelle des compléments pour lui donner consistance. On est alors renvoyé aux grands intérêts économiques, qui souvent concernent des capitaux impressionnants et qui ont à défendre, fermement sinon férocement, leurs activités et leurs gains. Il peut s’agir aussi d’intérêts plus modestes, qui ont tout de même à se battre pour garder leur place au soleil.
Question un peu étrange, mais que l’actualité nous impose : l’Église catholique constitue-t-elle une sorte de lobby, que la puissance publique aurait à reconnaître comme tel et qu’elle devrait traiter en conséquence ? C’est le gouvernement français qui nous impose de répondre, puisqu’un texte de loi, voté à l’Assemblée le 14 juin dernier, fait entrer dans la catégorie des « représentants d’intérêts » les associations à objet cultuel. L’Église catholique serait donc inscrite sur le répertoire national des lobbyistes. Comment ne pas hésiter entre la stupéfaction et la colère, sinon le rire ? Quiconque a la fibre ecclésiale ne peut qu’être blessé par cette réduction d’une réalité sui generis, pour ne pas dire plus, au lot commun des intérêts de ce monde.
Mais cela, c’est peut-être le premier mouvement, qui, n’en doutons pas, est toujours le bon. Il en est un second, et pour ne pas caricaturer, j’ai réouvert la Méditation sur l’Église de mon maître vénéré, le cardinal de Lubac. Le théologien n’élude pas la difficulté : « L’Église, dit-il, a son temporel qui pèse lourd, ses chancelleries, son code, ses tribunaux. » Partout elle s’insère dans le tissu social, dont elle modifie la texture. D’où une véritable rivalité avec la société civile, qui exige un équilibre extrêmement délicat à établir. Il y aurait bien une solution : que l’Église renonce à sa consistance physique, pour devenir purement spirituelle. Le rêve en a souvent été fait, mais il signifierait la fin de l’Église réelle. Il faut donc se résigner à cette existence incarnée, pour y découvrir une grâce tout à fait singulière. « Marchant dans la chair, l’Église ne combat pas selon la chair. » Oui, peut-être a-t-elle une allure de lobby et pratique-t-elle le lobbying, mais ce n’est pas ce qui la fonde et ce qui l’anime. Elle mène un combat spirituel, qui l’affecte d’abord elle-même, et qui pose au monde l’incessante question de son Salut.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 juin 2016.
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