Au total, j’aurai assez peu parlé du synode dans cette chronique. C’est sans doute faute d’informations vraiment précises sur le déroulement de ses travaux. J’ai trouvé ici et là quelques relations d’interventions, quelques opinions sur le climat entre évêques, mais j’attends les conclusions pour me faire une idée plus exacte sur l’avancée de la réflexion commune. J’ai eu le sentiment que le Pape avait délibérément provoqué la confrontation des opinions sur les sujets qui font mal, dans sa perspective d’une Église accueillante à toute détresse humaine. Est-ce que cela débouchera sur des décisions pleinement satisfaisantes ? Personnellement je n’en suis pas sûr. Au moins peut-on espérer que la pastorale familiale s’en trouvera, au bout du compte, stimulée.
Je me permettrai d’insister sur une conviction qui est assez solidement établie dans ma tête. En effet, on ne cesse de gloser sur le décalage de l’Église par rapport à la société présente et aux mœurs contemporaines. Et ce décalage serait significatif du retard de l’institution incapable de rejoindre la mentalité d’aujourd’hui. Au risque de surprendre, je prétends que l’Église s’est toujours battue pour défendre sa conception du mariage sacramentel, qui n’a jamais été acceptée facilement, même durant les périodes dites de chrétienté. Il suffit de lire les historiens du Moyen Âge pour se rendre compte qu’il y a opposition frontale entre les clercs et certaines mœurs féodales qui reproduisent d’anciennes coutumes païennes.
Sans doute y a-t-il eu sous l’Empire romain un moment heureux de connivence, dans la mesure où le mariage pratiqué à Rome était de nature consensuelle. Paul Veyne parle de l’attrait du christianisme de la part de la haute aristocratie sous le règne d’Auguste, en vertu d’une conception plus enrichissante de la relation conjugale, plus amoureuse, plus secrète, plus égalitaire, plus réciproque. Mais il y avait aussi des différences. L’inscription d’un mariage sous le regard de Dieu dans la société a toujours représenté une sorte de performance, rendue possible par la grâce. En ce sens, le synode ne fait que prolonger une très longue tradition, et il se heurte aujourd’hui à de nouveaux obstacles, le plus grand étant peut-être la crainte d’un engagement pour la vie, qui rend aux jeunes générations très difficile l’étape d’un engagement devant Dieu.