Ma chronique de mardi, à propos de la notion d’identité, a provoqué toute une discussion à laquelle j’aurais dû m’attendre. Je me suis bien gardé de m’y mêler, ce qui correspond pour moi à une sorte de règle. Il me semble préférable de laisser à mes interlocuteurs pleine liberté d’expression. Je pourrais avoir l’envie, parfois, d’ordonner l’ensemble pour que ça ne tourne pas à la cacophonie. Mais je m’y refuse le plus souvent, sauf à apporter un éclairage personnel, lorsqu’il y a trop grande méprise sur mes propos. Il est préférable de permettre à chacun de s’exprimer avec ses mots à lui pour dire ses convictions et ses réactions. Parfois les choses s’enveniment. C’est le signal que le sujet touche sérieusement ceux qui s’opposent et qui pourraient s’envoyer des mots peu aimables, blessants.
C’est toute la difficulté d’un débat, et notamment d’un débat dans l’Église. On s’en aperçoit en ce moment avec des désaccords qui éclatent publiquement. On peut espérer qu’ils puissent être gérés par l’institution, dès lors que celle-ci est capable d’ordonner la discussion et de faire admettre aux différents partenaires certaines règles communes. C’est beaucoup plus problématique sur ce qu’on appelle les réseaux sociaux où, trop souvent, le ton est acerbe et où on a le sentiment que chacun puise au fond de lui toute l’agressivité dont il est capable.
La Croix a publié hier un article intéressant sur le débat dans l’Église, après avoir sollicité un certain nombre d’avis. J’ai retenu l’opinion du père Jean-François Chiron, théologien lyonnais : « Pour débattre, il faut du temps, de la confiance et de l’estime. » Mgr Éric de Moulins-Beaufort complète la remarque : « Sans doute faudrait-il commencer par s’estimer entre nous plutôt que se soupçonner des pires intentions. » Le père Jean-Baptiste Nadler, de la Communauté de l’Emmanuel a, quant à lui, l’heureuse idée de rappeler l’encyclique du bienheureux pape Paul VI intitulée Ecclesiam suam, tout entière centrée sur la conviction que l’Église doit se faire conversation, ce qui suppose un art de communication spirituelle. Clarté, douceur, confiance, prudence pédagogique permettent, selon le Pape du concile, que « se réalise l’union de la vérité et de la charité, de l’intelligence et de l’amour ». C’est la grâce qu’il faut nous souhaiter.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 1er février 2018.