Robert Philip Reed, évêque auxiliaire de Boston a distribué une lettre annonçant un jour de prière personnelle et de pénitence le 24 septembre. Il est émouvant de voir un pasteur de l’Eglise en première ligne, faisant pénitence et priant.
Mais il y a quelque chose d’autre qui retient mon attention dans l’annonce de l’évêque au sujet de la crise actuelle de l’Eglise :
Il y a quelques années, un lundi matin, j’ai été informé que j’étais nommé évêque. Quand j’ai accepté, j’étais conscient du fait que j’aurais également à accepter tout ce que le futur apporterait avec une docilité parfaite à la volonté de Dieu ; assez semblablement à ce qui se passe dans un mariage, ou quand j’ai accepté d’être prêtre.
Il y a dans ces paroles une pensée et une réflexion théologique profondes. Mgr Reed compare son engagement envers le diocèse avec le serment de mariage : dans la soumission à Dieu, promettre de conduire les fidèles dans les bons et les mauvais jours, dans la maladie comme dans la santé.
En vérité, l’évêque est lié à son troupeau, les clercs et les laïcs de son diocèse d’une façon intime et sacramentelle qu’on peut dire nuptiale. L’évêque est lié à la totalité de son diocèse, pour porter les fardeaux de tous, pour être le père de tous, comme Saint Jean Chrysostome le commentait dans son homélie n°3 sur les Actes des Apôtres.
Comme les époux, en signe de fidélité à la population du diocèse, un évêque porte un anneau, l’anneau épiscopal qui, comme pour les gens mariés symbolise le mariage de l’évêque avec son diocèse, avec la population qu’il sert.
En outre, l’anneau épiscopal est le signe de la double fidélité de l’évêque à l’Eglise et à la préservation de la pureté de la foi. Dans la liturgie, le rite de l’anneau capte bien la nature nuptiale de la relation entre l’évêque et son diocèse : « prends cet anneau, le sceau de ta fidélité ; protège avec foi et amour l’Epouse de Dieu, Sa Sainte Eglise ».
L’anneau est pour l’évêque un appel quotidien à la loyauté et à la fidélité, un rappel constant à se demander : est-ce que je me donne totalement et sans réserve à mon épouse, l’Eglise ? est-ce que je fais suffisamment pour mon diocèse, sa population, les familles, les jeunes et les vieux, les enfants à naître ?
Donc l’évêque, comme le pape Benoît XVI l’a clairement stipulé dans son allocution de septembre 2010 aux évêques récemment nommés, « n’est pas seulement un chef, ou un bureaucrate, ou un simple modérateur et organisateur de la vie diocésaine ». C’est plutôt qu’il est un père marié à son diocèse ; il est un père et un frère dans le Christ pour le peuple qu’il sert et ces relations uniques « donnent à la personne en charge de cette responsabilité la capacité de créer une atmosphère de confiance, d’accueil et d’affection mais également de franchise et de justice ».
Mais il y a encore plus : la charge épiscopale exprime également le lien indissoluble entre l’évêque local et le Collège Apostolique, les Douze Apôtres qui, depuis le début de leur mission ont vécu aux côtés de Jésus, sont devenus les témoins de Sa Résurrection et ont été envoyés par Jésus pour proclamer l’Evangile au monde.
Tout est dans l’anneau : l’anneau, relié aux autres anneaux, élément d’une chaîne qui prend sa source dans le Christ et les Apôtres.
Pour cette raison, un des gestes de révérence envers l’évêque est de baiser l’anneau épiscopal : le fidèle ne baise pas sa main mais l’anneau. C’est en raison de la révérence envers la foi véhiculée par l’anneau que le fidèle se courbe et baise cet anneau.
La Tradition Catholique est si riche et imprégnée de traditions que les solutions aux problèmes doivent être trouvées dans la tradition et dictées par la tradition. Suite au récent rapport du Grand Jury de Pennsylvanie, il y a eu 152 déclarations publiques diocésaines et archidiocésaines faites par des évêques et des archevêques pour dénoncer les agressions sexuelles de Theodore McCarrick et exprimer leur émotion, leur colère et leur peine.
Ce n’est pas un nombre insignifiant d’évêques. Les évêques ont-ils failli à protéger leurs ouailles ? Les évêques ont-ils failli à conserver la confiance sacrée que les apôtres ont investie en eux ? Les évêques ont-ils failli à leurs vœux, symbolisés par leur anneau épiscopal ? La réponse élémentaire à ces questions est : oui.
Parmi les péchés et offenses morales dont sont capables les humains, la trahison – et dans ce cas précis, la trahison par le clergé, y compris des évêques – est la plus difficile à pardonner.
Généralement, la trahison implique la rouerie ou une décision consciente de provoquer la division ou une souffrance dans le Corps Mystique du Christ. La crise à laquelle l’Eglise fait face actuellement est une crise de trahison mais plus encore une crise de foi. « Je ne crois pas qu’il y aura beaucoup d’évêques à être sauvés mais qu’il y en aura bien plus qui périront : la raison en est que cette responsabilité requiert une grande âme » commentait Saint Jean Chrysostome ;
Ceux parmi nos bergers qui connaissent la souffrance et le ressenti des brebis répondent par la prière et la pénitence et par le renouvellement de leurs vœux « nuptiaux » envers le peuple confié à leurs soins et envers la foi des apôtres. Mgr Edward B. Scharfenberger du diocèse d’Albany (état de New York), appelle à ce renouvellement : « lors de la messe, nous renouvellerons les promesses faites lors de notre ordination ainsi qu’une réaffirmation des engagements pris lors de notre ordination concernant la prédication l’enseignement et la manière de vivre ».
Alors que François d’Assise passait près de l’église de San Damiano, qui tombait en ruine, il a entendu une voix venant de la croix qui lui dit par trois fois : « François, va réparer ma maison qui, comme tu le vois, tombe en ruine ». Saint François l’a fait : il a réparé l’Eglise, et elle a survécu et prospéré.
Beaucoup de gens craignent pour l’avenir de l’Eglise en ces temps troublés. Mais l’Eglise va se rétablir quand le clergé et les fidèles renouvelleront les vœux de leur ordination et de leur baptême. L’Eglise, fondée par le Christ, protégée et guidée par Lui, survivra toujours, parce que Jésus l’a dit. Et Dieu tient toujours ses promesses.
Ines Angeli Muzarku est professeur d’histoire de l’Eglise à l’université de Seton Hall (New Jersey). Ses recherches approfondies sur l’histoire du christianisme, le catholicisme, les ordres religieux et l’œcuménisme ont été publiées dans de nombreux articles savants et dans cinq livres.
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Illustration : l’évêque porte, à l’annulaire de la main droite, l’anneau signe de sa charge
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/09/06/the-church-will-endure-its-all-in-the-ring/