Dans l’avion qui le ramenait à Rome, au retour de son voyage en Birmanie et au Bangladesh, le Pape a confié aux journalistes qu’il avait pleuré en accueillant les seize représentants des Rohingyas, vendredi dernier à Dacca. On sait que le sort de ces réfugiés musulmans, chassés militairement de Birmanie l’été dernier, a été au centre des préoccupations de François durant ces journées très denses vécues dans deux pays où les chrétiens sont très minoritaires mais non moins fervents ainsi que l’ont attesté les belles cérémonies où ils se sont rassemblés. Fallait-il qu’il dénonce ouvertement le scandale d’une persécution extrêmement dure ? Mais s’il l’avait fait sur le territoire birman, cela aurait provoqué une sorte d’incident diplomatique qui aurait coupé court à toute tentative de discussion avec les autorités locales. François a préféré s’entretenir personnellement avec le général Hlaing, l’homme fort de l’armée, avec qui il s’est exprimé de la façon la plus franche. Il n’a pas « voulu négocier la vérité », même si la prudence exigeait de ne pas faire état publiquement d’un désaccord évident.
Ce n’est que dans la capitale du Bangladesh que le Pape a pu prononcer enfin le nom du peuple victime des Rohingyas, qu’il a pu recevoir ses représentants en leur signifiant toute sa compassion. Ce faisant, le successeur de Pierre n’était-il pas fidèle à sa mission, telle que la définissait saint Ignace d’Antioche dès le deuxième siècle ? « L’Église de Rome est celle qui préside à la charité. » Les théologiens donnent à l’expression un contenu doctrinal qui concerne le cœur même de la foi et du mystère humano-divin transmis par l’Église. La charité renvoie à tous les dons du surnaturel. Mais celui-ci ne peut se séparer de ses conséquences concrètes. Si le Pape défend la cause des persécutés, ce n’est pas d’abord en tant que porte-parole des droits de l’homme, c’est en vertu de la charité divine dont il est le témoin et qui doit se manifester auprès de ceux qui ont le plus besoin de toute la sollicitude dont l’Église et les chrétiens sont capables.
Ce témoignage vivant est la façon la plus directe d’annoncer l’Évangile au monde. Le Pape a beaucoup insisté sur ce point, en répondant à un jeune homme qui lui demandait comment parler de Dieu à un ami qui n’y croyait pas : « Vis ton Évangile, alors lui demandera : “Pourquoi vis-tu comme cela ?” Toi, fais, lui cherchera. Et laisse l’Esprit Saint l’activer. (…) C’est l’Esprit Saint qui accomplit la conversion avec force et douceur. » Force et douceur, ce sont les qualités dont le Pape a fait preuve lors de son voyage apostolique, témoignant en acte de la mission de l’Église qui préside à la charité.
Pour aller plus loin :
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