L’épiscopat français a donné des consignes pratiques que l’on pourrait dire d’hygiène, afin de protéger les fidèles des risques de contagion du coronavirus dans les églises lors des messes. Certains s’en sont émus, ne trouvant pas admissible, par exemple, que l’on interdise la communion dans la bouche. Que dire alors des protestations qui s’élèvent contre la suppression pure et simple de la liturgie dans certaines régions en Italie, et pour ce qui concerne la France dans le seul diocèse de Beauvais qui recouvre le département de l’Oise ? Il s’agit là, me semble-t-il, de la mise en conformité avec les consignes officielles qui, en l’espèce, constituent des ordres. De très bons amis s’associent à ces protestations, scandalisés que l’institution ecclésiale ne marque pas sa différence, d’autant qu’il y a des exceptions aux interdits officiels, telle celle des supermarchés !
Quelqu’un qui représente une solide autorité morale dans le monde catholique, Andrea Riccardi, fondateur de la célèbre communauté Sant’Egidio, s’est particulièrement distingué par la radicalité de son propos, qu’il argumente d’une façon qui ne peut nous laisser indifférents : « Les Églises ne sont pas seulement un “rassemblement” à risque, mais aussi un lieu de l’Esprit. Une ressource en des temps difficiles, qui suscite de l’espérance, qui console et qui rappelle qu’on ne se sauve pas seul. Je ne voudrais pas remonter à Charles Borromée en 1576-77, l’époque de la peste à Milan (épidémie bien plus grave que le coronavirus et combattue alors à mains nues), mais en ce temps-là on visitait les malades, on priait avec le peuple et on faisait une procession pieds-nus et en nombre pour la fin du fléau. »
J’ai moi-même évoqué l’exemple d’un autre grand évêque, Mgr de Belsunce qui eut, durant l’épidémie de la peste à Marseille en 1720, une attitude aussi héroïque que celle de saint Charles Borromée à Milan. Certes, le contexte actuel est très différent de ceux du XVIe et du XVIIIe siècle. Nous disposons heureusement d’armes plus efficaces contre la contagion et la maladie, et sommes soumis à des contraintes sanitaires étatiques qui s’imposent à tous. Mais il me semble qu’il y a quelque chose à retenir de la protestation d’Andrea Riccardi. En période difficile, une différence chrétienne doit s’affirmer qui met en évidence l’autorité et l’efficacité supérieures du spirituel.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 mars 2020.
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