Il faut tirer les leçons des crises, surtout lorsqu’elles font mal, en créant des dégâts psychologiques et moraux incontestables. De ce point de vue, il y a nécessité urgente, pour l’Église catholique, de prendre conscience de la nature de la communication mondialisée. Certes, il ne s’agit pas de fléchir le genou devant un système dont les meilleurs spécialistes ont fait l’analyse critique et qui exige une attention particulière quant à ses processus qui peuvent être pervers et ses réflexes idéologiques non avoués, mais il y a des éléments techniques dont la connaissance et la maîtrise lui sont indispensables, si elle ne veut pas s’exposer à de nouvelles déconvenues amères. Benoît XVI a lui-même reconnu, dans la lettre qu’il a envoyée à tous les évêques du monde à propos de la crise intégriste, qu’il convenait que le Vatican prenne mieux en compte les informations diffusées sur Internet. Si ses collaborateurs avaient été ainsi avertis du négationnisme virulent de Williamson, Rome aurait pu faire l’économie d’une immense crise de nerfs, exacerbée par tous ceux qui avaient intérêt à renforcer les malentendus, et même à diffamer le Pape.
De même, à propos des excommunications brésiliennes, il faut prendre conscience que désormais les informations circulent à une vitesse proche de celle de la lumière, et que ce qui, hier encore, était réservé au public local, peut devenir mondial dans la minute même. Le drame affreux d’une fillette du Nord-Est brésilien prend une portée universelle, et la parole malheureuse d’un archevêque devient objet de scandale à l’autre bout de la planète. Et lorsque s’y ajoute la déclaration d’un cardinal de la curie romaine, l’événement devient explosif, d’autant qu’il est réduit à des propositions simples qui ne peuvent que provoquer colère et révolte.
En fait, au bout de quelques jours, on s’aperçoit que les choses sont infiniment plus complexes. L’ensemble de l’épiscopat brésilien corrige l’initiative de Recife, le collège épiscopal manifeste son désaccord. Et l’on s’aperçoit que l’opinion d’un cardinal romain n’engage pas « le Vatican », comme on a l’habitude de le dire, puisque le propre président de l’Académie pontificale pour la Vie, Mgr Rina Fisichella peut exprimer dans « L’Osservatore Romano » un avis opposé à celui de Mgr Sobrinho, l’archevêque de Recife, ou du cardinal Re, préfet de la congrégation des évêques à Rome. Mais il est trop tard. L’impression initiale a été trop forte pour pouvoir être modérée. Dans ces conditions, l’Église catholique, à sa tête et sur tous les continents, va devoir prendre encore plus conscience de la nature de l’information à l’âge de l’internet* et prendre toutes les mesures pour parer à la désinformation et à la manipulation. Lorsqu’un processus malheureux est enclenché, il faut répondre à la vitesse par la promptitude, ce qui n’exclut pas la sagesse. Maîtriser la communication, ce n’est pas accepter le diktat d’un système, c’est, pour l’Église catholique, sauvegarder les chances d’une parole libre.
Gérard LECLERC
* Le site internet du Vatican, déjà disponible en 6 langues, l’est en caractères chinois traditionnels et en caractères chinois simplifiés à partir du 19 mars, investissement remarquable qui montre tout de même combien l’Église a saisi l’importance de ce média !