Olivier Ribadeau-Dumas, porte-parole de la Conférence des évêques de France, a publié un communiqué pour rappeler les fondamentaux que l’Église catholique propose afin d’aider au discernement des fidèles en matière politique. Ce document a peu de chances de retenir l’attention des médias, dans le climat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, parce qu’il ne prend pas position en faveur de l’un des candidats. Certains le regretteront peut-être, mais ce n’est pas notre cas. La parole ecclésiale dans l’ordre civique n’a d’autorité que si elle maintient une stricte indépendance des évêques par rapport aux jeux partisans. Identifiée à un camp politique, l’Église ne serait plus reconnue comme instance respectueuse de la séparation du spirituel et du temporel. Et même de l’autonomie du politique, telle que l’a reconnue le concile Vatican II.
Certes, il peut arriver, au cours des temps, que tel choix présente un caractère crucial et impératif, qui détermine l’autorité spirituelle à condamner certaines orientations désastreuses ou un processus totalitaire. Mais dans le cadre d’un État de droit, où l’essentiel des libertés fondamentales est garanti et où l’objection de conscience est reconnue dans l’hypothèse d’un grave conflit de devoirs, l’Église, selon les normes fixées à Vatican II et qui tiennent compte des conditions modernes d’exercice du pouvoir et du consentement des citoyens, se doit de respecter scrupuleusement le choix de ces derniers.
Il est vrai que la question des migrants, à propos de laquelle le pape François ne cesse d’interpeller les nations européennes, au nom de la solidarité qui doit s’exercer en faveur des plus pauvres exposés à la persécution, à la faim et même à la mort, constitue une objection incontournable eu égard à l’intransigeance de Marine Le Pen. Mais c’est précisément l’indépendance du spirituel qui lui permet d’opposer une injonction morale et évangélique à une candidate. Cela vaut aussi pour Emmanuel Macron, qui est très loin de répondre, avec son propre programme, à toutes les exigences du bien commun et de l’éthique sociale. Au-delà de la période électorale, il serait souhaitable que tous les enjeux les plus fondamentaux rappelés par Mgr Ribadeau Dumas soient examinés avec tous les intéressés. Nous souffrons trop, même à l’intérieur de l’Église, de la persistance de bastions incommunicables entre eux.
Photo : Olivier Ribadeau-Dumas.
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