Si l’Église catholique a jamais été corrompue, elle l’a été dès le début. Mais comme elle n’était pas corrompue dès le début, elle n’a jamais été et ne sera jamais corrompue.
Telle était ma pensée en écoutant récemment un podcast sur la Rome antique. Selon l’auteur, la ville de Rome peut prétendre être la plus grande ville de l’histoire du monde : de par sa grande population, l’étendue géographique de son influence, ses siècles de primauté, l’organisation de sa société, son État de droit, ses constructions ingénieuses construites pour durer et sa capacité à assimiler et à prendre le meilleur de ses voisins.
Oh, et puis il y a le fait qu’elle est devenue le siège de la religion la plus importante de l’histoire de l’humanité…
Je supposais qu’après cette juste évaluation des vertus remarquables de Rome, l’auteur ferait l’éloge de la prévoyance de Pierre qui avait placé le centre de l’Église à Rome. Il semblait être un bon historien. Il pouvait sûrement voir que l’Église catholique a été si « importante » parce que ses vertus dans le domaine spirituel ressemblaient beaucoup à celles de Rome dans le domaine séculier.
Au lieu de cela, il a déploré la décision de Pierre, au motif que « l’enchevêtrement de l’Église avec l’autorité romaine après l’Édit de Milan a rapidement conduit à sa corruption ».
Le fait qu’il reprenne une phrase familière à ce stade était décevant mais pas surprenant – l’Église catholique n’était pas le sujet de son podcast après tout. Peut-être n’y avait-il tout simplement pas beaucoup réfléchi.
Mais ses apartés montraient qu’il était un chrétien croyant à la Bible. D’un simple point de vue scripturaire, je me suis demandé s’il avait prêté attention à la Passion. Car la « corruption » a commencé bien avant 313 après J.-C. En fait, elle était présente dès le début, et avec la connaissance et la permission apparente de Notre Seigneur.
Je parle de Judas Iscariote. Regardons-le à nouveau. Le fondement de l’Église a été établi lorsque Jésus a choisi « les douze apôtres ». Judas était sur un pied d’égalité avec eux tous en matière d’autorité, à l’exception de Pierre. Ne le rétrogradons pas rétroactivement et ne l’excluons pas. Judas était l’un des douze Apôtres, et nous pouvons considérer qu’il représente n’importe quel Apôtre, dans la mesure où tout titulaire d’une fonction égale peut représenter n’importe quel autre.
Voici une bonne définition de la corruption : l’utilisation d’une fonction, impliquant une confiance, pour un gain privé. Par exemple, un fonctionnaire qui accepte un pot-de-vin est corrompu selon cette définition. Mais Judas était corrompu selon cette définition. Il s’est servi de son lien avec Jésus, en tant qu’apôtre, pour gagner trente pièces d’argent.
Nous connaissons le marché : Les autorités voulaient arrêter, juger et condamner Jésus en secret, afin que la foule ne puisse pas protester. Jésus devait donc être identifié et capturé dans l’obscurité, avant qu’il ne puisse s’enfuir (comme ils pensaient qu’il le ferait). Judas a été d’une aide précieuse pour l’identifier et le « retenir » par un baiser.
Nous pensons que Judas devait avoir un autre motif que l’avarice. Nous avons tendance à favoriser des vues spéculatives qui n’ont aucun fondement dans l’Écriture – disons que Judas voulait provoquer une crise qui conduirait à la prise de pouvoir de Jésus en tant que Messie ; ou bien Judas, comme Caïn, était envieux de ses compagnons apôtres que Jésus semblait préférer. Et ainsi de suite.
Pourtant, le seul vice de Judas dont parle la Bible est son amour de l’argent : Jean dit que Judas se plaignait de l’argent dépensé pour un parfum coûteux parce qu’il gardait la tirelire et volait dans celle-ci (Jn 12, 6). Nous sommes tentés de rejeter l’explication de l’avarice, car cette raison semble trop faible. Trahir le Messie pour une petite somme d’argent ?
Mais elle n’était pas si petite : si elle achetait un champ en ville, elle pouvait acheter un domaine à la campagne. Et beaucoup de gens font des choses scandaleuses pour de petites sommes : Ésaü a vendu son droit d’aînesse pour plat de lentilles (Gn 25, 29-32). Des gens mettent en gage leurs alliances. Richard Rich a trahi Thomas More « pour le Pays de Galles ».
L’Aquinate remarque que l’une des filles du péché capital qu’est l’avarice est la trahison. Pourquoi ? Parce que l’avarice cherche à posséder par excès, par la force ou la fraude, et la fraude qui touche quelqu’un est la trahison – « comme dans le cas de Judas, dit l’Aquinate, qui a trahi le Christ par convoitise ». (Ici.) Nous résistons à cette explication simple car l’irrationalité de toute avarice est particulièrement patente dans le cas de Judas et du Christ.
Ainsi, la corruption était présente dès le début, et son effet fut infiniment grave.
De plus, la corruption semble s’être étendue au-delà de Judas, au moins potentiellement et virtuellement, dans le sens où chacun des Apôtres, lorsque le Seigneur lui a dit que l’un d’entre eux le trahirait, s’est activement demandé si ce n’était pas lui (Jn 13, 21-30).
S’il y avait eu des journaux à l’époque, le fait le plus visible à rapporter sur les apôtres, le commérage le plus juteux à leur sujet, aurait été qu’ils étaient corrompus et avaient vendu leur maître.
1. Cette corruption était présente avec la calme prescience et la « volonté permissive » du Seigneur : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les Douze ? Et l’un de vous est un diable ! » (Jn 6, 70).
2. En aucun cas, la « fonction » apostolique de Judas n’a été affectée par sa corruption : Matthias a été choisi pour la remplir (Actes 1, 24-25).
3. La prédication de Judas et ses baptêmes sont restés valides : rien n’était à refaire ni à défaire.
4. Jésus se porte même garant de la « propreté » de tous les Douze, sauf dans la mesure où quelqu’un pèche personnellement : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » (Jn 13, 10)
L’Église fondée par le Christ a été « corrompue » dès le début, de la même manière qu’elle sera toujours corrompue (y compris maintenant), par des personnes particulières, égarées par le diable. Mais en tant qu’Église, dans ses institutions, ses fonctions, ses pouvoirs, ses sacrements et sa direction divine – en tant que Corps du Christ – elle était sainte comme elle reste sainte.
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