En cette semaine, où l’Église revit les grands moments de la Rédemption et de sa fondation, il y a de quoi s’interroger sur ses paradoxales relations au monde. Voilà, en effet, des mois qu’elle est engagée dans une impressionnante lutte avec le système mondial de l’information, qu’elle s’y trouve mise à mal au point d’être médiatiquement lynchée sous les motifs les plus graves. Que lui importe ! Elle est plongée dans le mystère de la mort et de la résurrection, rien ne saurait la distraire de sa contemplation et de son absorption au sein de l’abîme où l’entraîne son Seigneur. Les polémiques n’en sont pas seulement relativisées, elles paraissent oubliées… La vraie vie est ailleurs ! Ne serait-ce pas un motif de scandale supplémentaire ? Dans une civilisation qui a placé le mythe de la communication en son centre, au point d’imaginer une utopie nouvelle, celle de la post-modernité, les chrétiens prennent leur distance au point d’offenser l’idole.
Impossible d’échapper à l’interrogation : non, la communication n’est pas tout, elle est subordonnée à une réalité profonde sans laquelle il n’y a pas lieu de communiquer. C’est d’autant plus difficile à admettre que la société de communication recèle sa propre sacralité, qu’elle a ses dogmes, son imaginaire, même s’il est terriblement pauvre, au dire d’un observateur sagace comme Régis Debray. Pour peu qu’une institution prenne ses distances, elle se trouve en situation de transgression, ce qui ne saurait lui être pardonné. Salutaire remise à plat, obligation d’un examen radical. L’Église n’accepte pas d’être réduite au spectacle qu’elle donne d’elle-même ou qu’on se charge de fabriquer sur son dos. Pour utile qu’elle soit, la maîtrise de la communication dans l’échange universel trouve sa limite dans la réalité du corps eucharistique que construit la sacramentalité d’une institution qui est présente au monde, sans être du monde.
C’est une des vertus de la Semaine sainte que d’opérer cette transgression qui désoriente pour signifier où se trouve l’Orient véritable. « Le Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur la Croix. Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers. » [Philippiens 2-8-10] Voilà ce que l’Église a charge d’annoncer à temps et à contretemps et qui justifie tous ses paradoxes. n