« L’Église catholique est un levain dans la pâte », indique d’abord Mgr Sedrak. Son action sociale dans un contexte minoritaire est considérable. Le développement, social et pastoral, se traduit par plusieurs actions et œuvres concrètes. Celles-ci donnent un visage public respecté à l’Église, malgré la discrimination dont sont victimes les communautés chrétiennes d’Égypte, qui totalisent au moins huit millions d’individus, sur une population de plus de 80 millions d’habitants.
Dans le diocèse de Minya, où l’on retrouve 50 000 coptes catholiques, l’Église soutient les « catégories marginalisées, soit les personnes handicapées, les sourds et les muets, les malades. » L’évêque indique également que les prisonniers sont soutenus, avec leur famille. « Dans le temps, il y avait même les enfants qui devenaient des criminels! Donc, petit à petit, avec soin, le travail avec eux a diminué de beaucoup le nombre de ceux qui suivaient la même voie que leurs parents. Il y a un grand progrès », indique-t-il fièrement.
Pour ce qui est du domaine de l’éducation, on compte plus de 185 écoles catholiques en Égypte, dont 5 dans le diocèse et l’on pense en construire une nouvelle. L’éducation joue d’ailleurs un rôle très important selon l’évêque. Elle permet non seulement de jeter les bases d’une meilleure société au plan intellectuel, mais elle favorise également un dialogue plus ouvert entre chrétiens et musulmans. Alors ces derniers, remarque Mgr Sedrak, « ont une certaine mentalité ouverte. Ils sont prêts à dialoguer quand même, parce qu’ils ont expérimenté l’amour et la bonne conduite des catholiques, des chrétiens ».
Un dialogue qui est parfois compliqué par la discrimination quotidienne rencontrée par les chrétiens, et ce, à tous les niveaux. « Moi personnellement, comme responsable chrétien, responsable d’Église, j’ai des difficultés, sans aucun doute, à construire une église. Selon la règle, rien n’est clair. » Par contre, Mgr Sedrak apporte une nuance : même les musulmans se retrouvent, à des niveaux divers, devant des lois qui sont « affaiblies » par « la corruption » et le « désordre qui envahit partout ». Il estime que du point de vue politique, « même les musulmans souffrent ».
« En Égypte, il faut distinguer entre l’Islam et les musulmans », nuance-t-il à propos du dialogue interreligieux. « Avec l’Islam, je ne peux pas aller trop loin, car on va discuter des dogmes, des convictions qui ne changeront jamais. Par contre avec des musulmans, des personnes qui vivent avec moi chaque jour, je peux le faire. » Surtout avec ces personnes qui, comme nous l’avons indiqué plus haut, ont fréquenté les écoles catholiques, en plus de ceux et celles qui fréquentent les services sociaux que l’Église met sur pied et ouvre à tous. « Il faut distinguer entre les simples gens de tous les jours, qui cherchent leur pain quotidien. Pour eux, si vous rendez un service, alors vous êtes un bon homme… et ils vous aiment! »
Le Synode : « avoir le courage de dire le mot juste »
Mgr Sedrak a participé au Synode sur l’Afrique, qui s’est tenu au Vatican du 4 au 25 octobre. À la question « Quels sont les fruits concrets du Synode », il répond : « Se rassembler : réunir le nombre d’évêques, d’experts, de ceux qui s’intéressent à l’Église en Afrique, c’est déjà un fruit. S’entendre : faire l’échange d’expériences diverses, des malheurs, des difficultés : c’est déjà un fruit. »
Les travaux et discussions ont également mené vers des termes porteurs dont le « rôle prophétique de l’Église ». Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ? « Rôle prophétique, c’est-à-dire, avoir le courage de dire le mot juste quand il le faut », estime-t-il. « Dire oui quand il le faut, et dire non quand il le faut. Ne pas toujours fuir les problèmes, ça, c’est un rôle prophétique, à mon avis ».
Un autre fait marquant pour Mgr Sedrak est le fait de ‘se compter’ parmi les Africains. « Moi avant, comme égyptien, je ne me comptais pas parmi les Africains. Mais maintenant, j’ai quelque chose de nouveau ». En plus de cette ‘nouvelle appartenance’ à l’Église d’Afrique, l’évêque de Minya a été marqué par le comportement du Saint-Père envers le Synode. Il « laisse son travail et vient assister avec nous… il était donc là! » Une situation qui, estime-t-il, « change une mentalité d’Église : ça veut dire qu’il n’y a pas des grands et des petits : il y a une seule Église ».
Ne pas partir, malgré tout
Le départ des jeunes, des chrétiens en particulier, inquiète Mgr Sedrak. « C’est facile de quitter le pays et je crois que, parfois, c’est ce que veut la politique nationale et même la politique internationale ». Des mots qui peuvent paraître durs à tous ceux et celles qui quittent un pays où ils vivent quotidiennement la discrimination. Par contre, l’évêque de Minya a une perspective différente : « Je crois qu’être chrétien dans un pays à majorité musulmane, c’est une vocation. » Y faire sa demeure demande prière, courage, sagesse et force, ainsi qu’un coup de main de l’extérieur… « L’Égypte, il faut l’aider parce que c’est un pays très important, à tous les niveaux : pour l’Afrique, pour le Moyen-Orient et même pour le monde! ».
L’an dernier, Aide à l’Église en Détresse a soutenu des projets de l’Église en Égypte avec un montant de plus de 500 000 dollars.