Période étrange de vacance du Siège romain, du jamais-vu ! L’Église n’est pas dans le deuil, le chagrin d’un pape qui l’a quittée pour la vraie vie. Avec la mort de Jean-Paul II, en dépit de la longue période difficile qui l’avait précédée et nous persuadait qu’il faudrait bientôt lui dire adieu, ce fut comme un arrachement. Les longues files de fidèles qui s’avançaient vers la basilique Saint-Pierre montraient cette tristesse. La perte d’un père bien-aimé est une épreuve qui nous est aujourd’hui épargnée. Le climat présent est-il plus propice à une réflexion sur la succession en fonction des nécessités présentes et de la situation du christianisme ? Peut-être.
Je dis peut-être, non pas à cause du débat médiatique, que je trouve souvent irritant, à force d’être à côté de la plaque et terriblement idéologique. C’est le témoignage apporté par ceux qui se réunissent en ce moment en assemblées générales, qui m’en persuaderait plutôt. J’ai entendu ainsi sur KTO le cardinal Tauran, qui aura le privilège d’annoncer le nom du futur pape sur la loggia de Saint-Pierre. Sa lucidité sur les questions actuelles, sa connaissance précise de la Curie romaine avec ses qualités et ses faiblesses évidentes, m’ont consolé de trop d’approximations entendues ailleurs. Et puis ce cardinal ne vit pas en vase clos. Responsable du dialogue interreligieux, il est confronté aux réalités du monde, dont il n’édulcore pas les aspects les plus rudes, sans sombrer dans un pessimisme paralysant.
Mais j’ai surtout retenu de lui qu’il avait deux livres de référence en ce moment. Tout d’abord, évidemment la constitution pour l’élection du pape élaborée par Jean-Paul II. Pour un membre du conclave, c’est élémentaire ! Le second livre est celui du Père de Lubac intitulé Méditation sur l’Église. Eh oui, car c’est bien de l’Église qu’il est question dans cette affaire. De cette Église dont on parle partout et sans discrétion, souvent sans avoir pris la peine de réfléchir à sa véritable nature. Les plans les plus mirifiques de réforme ou d’adaptation sont complètement vains, si l’on ne prend pas la peine d’entrer au cœur de cette réalité mystérieuse, dont le secret réside dans le fait qu’elle est le lieu de la rencontre de Dieu et des hommes. Voilà qui mérite bien de prendre quelque distance avec les idées toutes faites. De quoi parle-t-on quand on parle de l’Église ?