On dit de l’Église qu’elle est apostolique. Que signifie ce mot ?
Mgr Athanasius Schneider : Apostolique est issu du mot « apôtre ». L’Église est apostolique parce qu’elle est fondée sur les apôtres et leur prédication, et gouvernée par leurs successeurs, les évêques catholiques qui, sans interruption et sans altération, continuent de transmettre la doctrine et les pouvoirs spirituels des apôtres.
Que veut dire « apôtre », alors ?
Le mot « Apôtre » vient du grec Apóstolos qui signifie « celui qui est envoyé », « à qui est confiée une mission ». Il revêt un sens plus fort que le mot messager et signifie autant « délégué ». Dans l’Épître aux Hébreux (3,1), le nom s’applique même au Christ, dans le sens originel d’un délégué de Dieu envoyé pour prêcher la vérité révélée au monde. Dans les faits, il était réservé à ceux des disciples, les douze, qui avaient reçu ce titre du Christ. L’Apôtre, outre le pouvoir d’ordre, qui est un pouvoir de sanctification, dispose d’un pouvoir général de juridiction et de magistère. Le pouvoir de juridiction embrasse le pouvoir de faire des lois sur les matières religieuses et de faire respecter les obligations, au moyen de peines appropriées. Le pouvoir du magistère comprend le pouvoir d’exposer avec autorité la doctrine du Christ. Un Apôtre pouvait recevoir aussi de nouvelles vérités révélées pour les proposer à l’Église. Avec la mort du dernier des Apôtres, saint Jean, la Révélation est close. Le pape Pie X a rejeté la doctrine moderniste de l’évolution de la religion à travers les nouvelles révélations. Ainsi, il condamna la proposition selon laquelle « la Révélation, qui est l’objet de la Foi Catholique, ne s’est pas terminée avec les Apôtres » (Décret Lamentabili, proposition 20). Les Apôtres jouissent aussi de certaines prérogatives personnelles comme l’universalité de leur juridiction et l’infaillibilité personnelle en matière de foi et de mœurs lorsqu’ils ont enseigné une doctrine comme obligatoire.
Ces pouvoirs ont été conférés aux apôtres par le Christ. Mais quelle mission leur a-t-il donnée ?
La mission des apôtres ou leur apostolicité s’exprime dans le mandat solennel de Jésus-Christ : « Allez enseigner tous les peuples, les baptisant et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28, 19-20). Les Apôtres devaient propager l’Église de Dieu sur la terre, qui est le royaume de Dieu, le royaume des cieux, jusqu’aux extrémités de toute la terre. Les Apôtres devaient être les dirigeants de l’Église de Dieu avec les pouvoirs spirituels du gouvernement, de la prédication de la parole de la Révélation divine, d’abord oralement et aussi par écrit, avec le pouvoir spirituel des sacrements.
En quoi la mission découle-t-elle de la vie trinitaire ?
Le mot mission (du latin míttere) signifie un envoi. Théologiquement, les missions divines sont l’envoi visible de Dieu le Fils et de l’Esprit Saint au monde. La doctrine des missions divines peut être résumée ainsi : le Fils est envoyé par Dieu le Père, et le Saint-Esprit est envoyé à la fois par le Père et le Fils. Une mission divine est la procession d’une personne divine avec l’effet extrinsèque que la personne Divine ainsi envoyée devient présente d’une manière nouvelle dans les créatures rationnelles, les unissant dans une union surnaturelle avec Dieu. Les missions divines sont comme des prolongements des processions intra-divines éternelles ; mais, alors qu’une procession éternelle divine se rapporte à la vie immanente de Dieu, une mission divine visible se réfère à une Personne divine existant d’une manière nouvelle en dehors de la Divinité. Jésus a dit aux Apôtres : « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn. 20,21) Pour cette raison, l’Église tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père (Concile Vatican II, Ad Gentes, 2).
Qu’est-ce que la succession apostolique ?
La succession apostolique est la transmission du ministère apostolique par moyen de l’ordination épiscopale sacramentelle et l’inclusion de l’ordonné dans le corps entier de l’épiscopat par moyen de la nomination pontificale, une nomination qui est dans les circonstances normales explicite, et dans les cas extrêmes peut être implicite. La succession apostolique procède du Christ via les Apôtres, et implique tous les évêques légitimes, jusqu’à la fin des temps. Grâce à cette transmission du ministère apostolique, l’Église reste en communion de foi et de vie avec son origine. Dans l’ancienne église, les hérétiques étaient démasqués comme tels parce qu’ils ne pouvaient pas prouver qu’ils avaient gardé purement la foi des apôtres. Dans sa discussion avec les hérétiques, Tertullien a parlé de l’importance de la fidélité à la foi apostolique de cette manière : « Nous avons pour auteurs les Apôtres du Seigneur, qui eux-mêmes n’ont rien imaginé, ni choisi, mais qui ont transmis fidèlement à l’univers la doctrine qu’ils avaient reçue de Jésus-Christ. Aussi, quand un ange viendrait du ciel nous annoncer un autre Évangile, nous lui dirions anathème. » (De praescriptione haereticorum, 6). L’Église catholique seule a pu dire : « Je suis l’héritière des apôtres », comme l’a formulé Tertullien. Nous possédons le suivant un très beau passage de Tertullien dans sa dispute avec les hérétiques. Il leur a dit : « Je suis en possession depuis longtemps ; je descends des anciens possesseurs, et je prouve ma descendance par des titres authentiques ; je suis héritière des apôtres, et je jouis, conformément aux dispositions de leur testament, aux charges des fidéicommis, au serment que j’ai prêté : pour vous, ils vous ont renoncés et déshérités, comme étrangers et comme ennemis. Mais pourquoi les hérétiques sont-ils étrangers et ennemis des Apôtres ? Parce que la doctrine que chacun d’eux a inventée, ou adoptée suivant son caprice, est directement opposée à la doctrine des Apôtres » (De praescriptione haereticorum, 37)
Quelle est la mission de Pierre ?
Il a été choisi par Jésus pour être le fondement de son Église : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt. 16,18). En établissant les Douze Apôtres avec Pierre à leur tête, Jésus a donné à l’Église la structure de base de sa gouvernance, c’est à dire de la hiérarchie. La tâche la plus éminente de Pierre consiste à affermir toute l´Église dans la foi (cf. Lc. 22,32) et à protéger les fidèles, ainsi que les évêques, du danger des « loups ».
Successeur des apôtres, les évêques sont donc des gardiens de la foi…
Ils succèdent aux apôtres comme pasteurs des âmes. Ils ont été envoyés pour assurer, en union avec le Pape, et sous son autorité, la pérennité de l’œuvre du Christ, Pasteur éternel. Car le Christ a donné aux Apôtres et à leurs successeurs l’ordre et le pouvoir d’enseigner toutes les nations, de sanctifier les hommes dans la vérité et de guider le troupeau. Aussi, par l’Esprit Saint qui leur a été donné, les évêques ont-ils été constitués de vrais et authentiques maîtres de la foi, pontifes et pasteurs (cf. Concile Vatican II, Christus Dominus, 2). Comme membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des apôtres, ils sont aussi tous tenus à la sollicitude pour l’Église universelle, même si cette sollicitude ne s’exerce pas par un acte de juridiction. Tous les évêques, en effet, doivent promouvoir et servir l’unité de la foi et la discipline commune de l’ensemble de l’Église (cf. Concile Vatican II, Lumen Gentium, 23).
La prédication est-elle la première mission des évêques ?
Le pape Jean-Paul II disait que l’évêque est le catéchiste par excellence (cf. Exhortation apostolique post-synodale Pastores Gregis, 29). Cependant, la prédication a pour but de préparer les fidèles à l´union intime avec Dieu dans la vie de la grâce par le moyen des sacrements, en premier lieu par le sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne (cf. Concile Vatican II, Lumen Gentium, 11). Pour cette raison, le pape Jean-Paul II avait écrit : « Parmi toutes les tâches du ministère pastoral de l’Évêque, la charge de la célébration de l’Eucharistie est la plus pressante et la plus importante » (Exhortation apostolique post-synodale Pastores Gregis, 37). Bien sûr, l’évêque est celui qui doit veiller sur la Parole de Dieu et la défendre avec courage. En effet, la mission de la prédication épiscopale découle de la nature même de ce qui doit être conservé, à savoir le dépôt de la foi (cf. Exhortation apostolique post-synodale Pastores Gregis, 28).
L’Église catholique est aussi romaine. Quel est le lien entre Rome et la mission apostolique de l’Église ?
Le deuxième Concile de Lyon (1274) a parlé de « la sainte Église romaine, mère et maîtresse de tous les fidèles ». La romanité, est donc l’esprit même de l’Église catholique. Le Siège Apostolique, l’église Romaine, est le centre et le signe visible de l´unité de toute l´église sur la terre. Saint Irénée de Lyon a proclamé cette vérité déjà au deuxième siècle, en parlant de l´église de Rome qui est « l’Église très grande, très ancienne et connue de tous, que les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul fondèrent et établirent à Rome. … Avec cette Église, en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout, — elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de partout, a été conservée la Tradition qui vient des apôtres » (Adversus haereses, III, 3). Au quatrième siècle, saint Jérôme écrivit au pape Damase Ier : « Je ne suis d’autre chef que le Christ et je ne communie avec personne d’autre que Votre Béatitude, c’est-à-dire avec la chaire de Pierre. Je sais que c’est le roc sur lequel l’Église a été bâtie. Quiconque mange l’Agneau hors de cette maison est un profane. Quiconque n’est pas dans l’arche de Noé périra quand le déluge prévaudra » (Ep. 15). La romanité est exprimée surtout dans la primauté du Romain Pontife en regard du Magistère ecclésiastique, dont le symbole est la chaire de Saint Pierre, cathedra Petri. Un texte que l’église byzantine chante dans la fête du saint pape Léon le Grand est impressionnant : « Ô champion de l’orthodoxie et maître de la sainteté, l’illumination de l’univers et la gloire inspirée des vrais croyants. Ô très sage Père Léon, tes enseignements sont comme la musique du Saint-Esprit » (Troparion, ton 8).
Au-delà des évêques, est-ce toute l’Église qui est apostolique ?
En effet, on parle de l´apostolat ou de la qualité « apostolique » à propos de toute activité du Corps mystique du Christ, de toute l’Église, dont le but est d´étendre le règne du Christ à toute la terre, pour la gloire de Dieu, et de faire participer tous les hommes à la rédemption et les amener au salut. L’église exerce cette activité par tous ses membres, toutefois de diverses manières. En effet, la vocation chrétienne est aussi par nature vocation à l’apostolat. Ainsi dans le Corps du Christ qui est l’Église, « tout le corps opère sa croissance selon le rôle de chaque partie » (Ep 4, 16). Un membre de l’Église qui ne fait son contribution selon ses possibilités à la croissance spirituelle du Corps du Christ doit être réputé inutile à l’Église et à lui-même (cf. Concile Vatican II, Apostolicam Actuositatem, 2).
Vous venez de publier un livre sur la messe : est-ce dans l’Eucharistie que les fidèles, au premier rang desquels se trouvent les évêques, sont unis au Christ, pour être envoyés en mission ?
Le Pape Benoît XVI nous a laissé cette explication sur le sujet : « Nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans ce Sacrement. Il demande de par sa nature d’être communiqué à tous… C’est pourquoi, l’Eucharistie n’est pas seulement source et sommet de la vie de l’Église ; elle est aussi source et sommet de sa mission : “Une Église authentiquement eucharistique est une Église missionnaire.” L’institution même de l’Eucharistie, du reste, anticipe ce qui constitue le cœur de la mission de Jésus. Il est l’Envoyé du Père pour la rédemption du monde (cf. Jn 3, 16- 17 ; Rm 8, 32). Au cours de la dernière Cène, Jésus confie à ses disciples le Sacrement qui actualise le sacrifice qu’il a fait de lui-même par obéissance au Père pour notre salut à tous. Nous ne pouvons nous approcher de la Table eucharistique sans nous laisser entraîner dans le mouvement de la mission qui, prenant naissance dans le Cœur même de Dieu, veut rejoindre tous les hommes. La tension missionnaire est donc constitutive de la forme eucharistique de l’existence chrétienne » (Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum Caritatis, 84).
Les douze apôtres sont les premiers à avoir reçu le trésor de la célébration de la messe : a-t-elle un lien particulier avec la succession et la mission des apôtres/évêques ?
L’Église se construit à partir de l’Eucharistie : elle contient l’ensemble des biens spirituels de l’Église, à savoir le Christ lui-même, le pain vivant, qui par son corps immolé et glorifié procure la vie aux hommes. C’est pourquoi l’Église a le regard constamment fixé sur le Seigneur, présent dans le Sacrement de l’autel, dans lequel elle découvre la pleine manifestation de son immense amour (cf. Pape Jean-Paul II, Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, 1). En accueillant au Cénacle l’invitation de Jésus – « Prenez, mangez : ceci est mon corps » (Mt 26, 26), « Buvez-en tous, car ceci est mon sang » (27-28) –, les Apôtres sont entrés, pour la première fois, en communion sacramentelle avec le Seigneur (cf. Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, 21). L’Eucharistie a un caractère essentiellement apostolique, parce qu’elle est célébrée conformément à la foi des Apôtres. Au cours de l’histoire bimillénaire le Magistère ecclésiastique a précisé la doctrine eucharistique, même en ce qui concerne sa terminologie exacte, et cela précisément pour sauvegarder la foi apostolique en ce très grand Mystère. Cette foi eucharistique apostolique demeure inchangée, et il est essentiel pour l’Église qu’elle le demeure (cf. Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, 27).
Pourquoi insistez-vous autant sur l’aspect absolument essentiel et urgent de redonner son sens originel et sa beauté intégrale à la messe ?
Le Cardinal Robert Sarah, en citant le cardinal Ratzinger, disait dans son texte de recommandation une note qu’il a rédigé au sujet de mon livre le suivant : « La liturgie est faite pour Dieu, et non pour nous-mêmes. Cela est encore plus vrai pour le saint sacrifice de la messe : elle est l’œuvre de Dieu, et non la nôtre – même si, par la grâce du baptême, nous sommes des participants privilégiés à son action salvifique. » Nous avons urgemment le besoin de restaurer sans équivoque la beauté intégrale mais et aussi la centralité de Dieu dans chaque détail de la liturgie de la messe. Cela proclamerait de nouveau à toute l’Église cette vérité que Dieu est suprêmement adorable, suprêmement aimable, et qu’il doit être préféré à toutes choses.
Les apôtres et évêques ont-ils un lien spécial avec Marie, que l’on nomme « Reine des apôtres », et qui était avec eux à la Pentecôte, lors de la création de l’Église ?
Le Pape Jean-Paul II a expliqué le lien spécial des apôtres et de toute l´église avec Marie depuis la Pentecôte : « Marie exerce sa maternité à l’égard de la communauté des croyants, non seulement en priant afin d’obtenir pour l’Église les dons de l’Esprit Saint, nécessaires à sa formation et son avenir, mais également en éduquant les disciples du Seigneur à la communion constante avec Dieu. Elle devient ainsi éducatrice du peuple chrétien à la prière, à la rencontre avec Dieu, élément central et indispensable afin que l’œuvre des pasteurs et des fidèles trouve toujours son commencement et sa motivation profonde dans le Seigneur » (Audience générale du 6 septembre 1995). L’Église ainsi prie dans la Préface de la Messe de la Reine des apôtres : guidée par l’Esprit-Saint Marie s’est mise en route pour porter à Jean, le Christ, source de sanctification et de joie. Soutenus par le même Esprit, Pierre et les autres apôtres devinrent des annonciateurs intrépides de l’évangile, pour le salut et la vie de toutes les nations. Et encore aujourd’hui, la Bienheureuse Vierge suscite de nouveaux hérauts du règne de Dieu : Marie les encourage par son exemple, elle les enflamme de son amour, elle les soutient par sa prière incessante, pour qu’ils annoncent sur toute la terre, le Christ Rédempteur.
Quelle importance revêt la romanité ? Quel est le lien entre la mission apostolique et Rome ?
Le deuxième Concile de Lyon (1274) a parlé de « la sainte église romaine, mère et maîtresse de tous les fidèles ». La romanité, est donc l’esprit même de l’Église catholique. Le Siège Apostolique, l’Église Romaine, est le centre et le signe visible de l´unité de toute l’Église sur la terre. Saint Irénée de Lyon a proclamé cette vérité déjà au deuxième siècle, en parlent de l´église de Rome qui est « l’Église très grande, très ancienne et connue de tous, que les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul fondèrent et établirent à Rome. … Avec cette Église, en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout, — elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de partout, a été conservée la Tradition qui vient des apôtres » (Adversus haereses, III, 3). Au quatrième siècle, saint Jérôme écrivit au pape Damase Ier : « Je ne suis d’autre chef que le Christ et je ne communie avec personne d’autre que Votre Béatitude, c’est-à-dire avec la chaire de Pierre. Je sais que c’est le roc sur lequel l’Église a été bâtie. Quiconque mange l’Agneau hors de cette maison est un profane. Quiconque n’est pas dans l’arche de Noé périra quand le déluge prévaudra » (Ep. 15). La romanité est exprimée sur tout dans la primauté du Romain Pontife en regard du Magistère ecclésiastique, dont le symbole est la chaire de saint Pierre, cathedra Petri. Impressionnant est un texte que l´église byzantine chant dans la fête du saint pape Léon le Grand en ce regard : « Ô champion de l’orthodoxie et maître de la sainteté, l’illumination de l’univers et la gloire inspirée des vrais croyants. Ô très sage Père Léon, tes enseignements sont comme la musique du Saint-Esprit » (Troparion, ton 8).