Le christianisme est la religion de la personne, mais plus encore de la prise en considération de cet espace intime qu’est la conscience. Comment cela est-il advenu ?
Jean-François Chemain : Le Nouveau Testament est parsemé de portraits d’hommes et de femmes dans leur vérité humaine et souvent misérable. Le Dieu auquel croient les chrétiens a partagé cette condition humaine et l’a rachetée. Il donne toute son importance à la personne en lui proposant de la libérer de la pesanteur du péché, ce qui est impensable dans l’islam, dans le judaïsme et même dans la société romaine du temps du Christ qui privilégie le groupe sur l’individu.
Ce n’est cependant pas du jour au lendemain que le christianisme a permis l’éclosion de l’idée d’une personne dotée de droits. Au XIIe siècle, l’individu s’efface encore devant le collectif, mais le salut commence à se comprendre en pratiquant l’introspection, en allant scruter l’intimité de son âme et plus seulement en participant à des rites. Le mouvement d’intériorisation de la foi est lancé.
Il faut souligner aussi que, depuis le IIe siècle et la persécution de chrétiens refusant d’adorer des divinités païennes, le fidèle sait que sa conscience n’appartient pas à l’État. Rien ne distingue le chrétien d’un citoyen ordinaire si ce n’est qu’il développe la conscience d’un homme libre, insaisissable à tout pouvoir. Il n’est certes pas anarchiste mais une partie de sa personne échappe à la société car elle appartient à Dieu.
Cette idée de conscience va ensuite se développer à travers la confession secrète et régulière. Au VIe siècle, saint Colomban et ses moines venus d’Irlande vont démocratiser l’exercice qui était jusqu’alors une confession publique, donc peu populaire ! Pour y échapper, l’homme attendait d’être au seuil de la mort pour faire son examen de conscience.
Ce travail d’émancipation de la conscience individuelle caractérise le christianisme qui a été ainsi une force de libération dans de nombreux domaines : l’égalité homme-femme, le bannissement de l’esclavage, le respect du citoyen étranger. L’évolution a été lente en deux mille ans d’histoire mais l’Église a toujours donné la direction et l’impulsion car elle considère que nous sommes tous des enfants de Dieu appelés à la liberté et au Salut.
L’un des apports du christianisme est, selon vous, d’admettre que la perfection humaine est impossible…
L’Église catholique rappelle que nous sommes sauvés par le Christ qui donne sa grâce pour nous laver du péché originel. Nous sommes donc loin de la théorie de Jean-Jacques Rousseau pour qui l’homme est naturellement bon mais perverti par la société. Le christianisme propose, en échange de cette faillibilité humaine, une solution réconfortante : la possibilité de se racheter avec l’aide de la miséricorde divine. Si l’homme parfait n’existe pas, il découle naturellement qu’une société parfaite ne saurait être possible sur cette terre. Chaque fois qu’il a été question dans l’histoire d’édifier une société parfaite sans le Dieu des chrétiens mais avec le concours d’hommes comme Robespierre ou Staline, ce fut l’enfer sur terre ! Le christianisme est l’antidote au totalitarisme.
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Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde, Jean-François Chemain, éd. Artège, 2023, 280 pages, 19,90 €.
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