L'école libre - France Catholique
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L’école libre

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Gérard Leclerc, vous avez écrit il y a près de trente ans, un livre intitulé, La bataille de l’école, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? La bataille de l’école, c’était le récit très très circonstancié des événements qui s’étaient passés au début du premier septennat de François Mitterrand. Il y avait eu un projet d’intégration de l’enseignement libre et de l’enseignement catholique dans un grand service laïque. L’affaire avait capoté à la suite d’une histoire extraordinairement complexe que je ne veux pas reprendre ici. On en était revenu au terme de tout cela à la loi Debré telle qu’elle avait été instituée au début de la Ve République, en 1959. Rappelons en deux mots que la loi Debré c’était une loi qui associait, selon ses propres termes, l’enseignement libre, l’enseignement privé, à une mission de service public. Donc, auparavant on opposait les deux écoles. Il y avait une école publique, au sens strict du terme, et une école privée, qui était en marge. Or, là, maintenant, le système privé, largement catholique, est intégré d’une façon souple, dont il faudrait d’ailleurs bien définir les modalités, à une mission de service public. Pratiquement, cela veut dire que les maîtres sont payés par l’État et qu’il y a des aides financières qui permettent le fonctionnement des établissements. Cela n’a pas été sans problème dans la mesure où ce rapprochement des deux systèmes a forcément érodé une certaine originalité de l’enseignement catholique qui s’est aligné sur l’enseignement public. La loi Debré reconnaît ce qu’elle appelle un «  caractère propre  » aux établissements catholiques, mais il faut dire que parfois on a du mal à reconnaître ce caractère propre. Voilà où on en est aujourd’hui. L’école catholique jouit d’une bonne réputation eut égard aux difficultés de beaucoup d’établissement laïques parce qu’elle bénéficie d’une certaine autonomie, tout de même, dans sa direction, la nomination des membres de l’enseignement et beaucoup se rapportent à l’enseignement catholique à cause des difficultés graves, ne serait-ce que disciplinaires de beaucoup d’établissements publics. Est-ce que cette situation est saine, je n’en suis pas sûr. Mais parler de ça c’est aborder les problèmes très actuels de l’enseignement en France aujourd’hui. arton9924-d05c5.jpg N’y a t-il pas des leçons à tirer pour aujourd’hui de la crise de 1981 que vous avez observé de très près et narrée dans La bataille de l’école ? Oui. Ces leçons, j’ai essayé de les tirer à l’époque mais je ne crois pas avoir été très entendu. Parce qu’il y avait une césure entre les partisans de l’école libre, qui défendaient farouchement le principe de la liberté d’enseignement. Or, les choses étaient beaucoup plus complexes. Les gens qui ont mis en œuvre le projet mitterrandien d’unification, n’étaient pas, en fait, des jacobins à tout crins ni même des laïques très fervents ou très absolus. Ils ont imaginé un nouveau système qui aurait eu des conséquences assez fortes sur les établissements laïques. Parce qu’en fait ils voulaient introduire dans l’enseignement public un certain nombre de principe de fonctionnement de l’enseignement privé. L’indépendance du directeur, la possibilité de choisir ses enseignants, et puis il y avait aussi prévu dans ce projet de loi qui est assez extraordinaire quand on y pense rétrospectivement, il y avait le projet de donner à chaque établissement la possibilité de faire sa propre charte en quelque sorte. Et la notion de caractère propre, qui était dans la loi Debré, on voulait en définitive l’étendre à l’ensemble des établissements publics et privés, ou chacun aurait choisi une sorte d’idéal qui aurait imprimé sa marque à l’établissement, la pédagogie, une certaine forme de convivialité… Il s’agissait de définir des valeurs propres à un établissement qui lui aurait donné une véritable autonomie et une spécificité, une identité propre. Cette affaire était assez risquée et quand les laïques pur et dur ont eu vent de ce projet ils sont entrés dans une fureur noire, parce qu’ils ont eu le sentiment d’être trahis par leurs propres alliés politiques. Je crois que c’est intéressant à retenir parce que ça nous met sur la voie de nos problèmes actuels. Aujourd’hui, tout le monde se plaint de l’état de l’école et on voudrait faire des réformes. On a un nouveau gouvernement, un nouveau ministre de l’Éducation nationale et je ne sais pas très bien ce qu’il a en tête, on le saura bientôt, mais il est en quelque sorte mis en demeure de reprendre le dossier scolaire dans son ensemble. La pédagogie, le contenu des enseignements, la question de la discipline, la question des quartiers à risque. Tout est remis en jeu. Et peut-être qu’on va retrouver certaines idées des années 80, je n’en suis pas absolument sûr, mais ce qui me paraît sûr c’est que la remise en cause fondamentale qui avait été faite en dépit du comité nationale d’action laïque en 1981, cette remise en cause ne peut pas ne pas avoir lieu aujourd’hui.