L’Aveugle conduisant le Voyant - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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L’Aveugle conduisant le Voyant

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Voici un genre de personne que nous reconnaissons parmi les catholiques et, plus généralement, les chrétiens : quelqu’un qui dans une vie « antérieure » s’est accommodé des mœurs sexuelles de notre société, puis s’étant converti est maintenant un rigoureux apôtre de la pureté sexuelle. Cette vie antérieure nous pouvons aisément l’imaginer : des coucheries au collège, l’utilisation de contraceptifs, des pratiques anticonceptionnelles ; aussi, des propos vulgaires et des divertissements qui vont avec ; des amis qui ne s’embarrassent pas de scrupules à ce sujet ; tourner en ridicule ou pire les gens « inflexibles» et « sérieux » tournés en ridicule, ou pire.

Mais ils se sont convertis. Qui sait ce qui s’est passé ? La grâce, bien sûr, et les prières de quelqu’un, mais peut-être un livre dû à un saint, ou l’exemple d’un ami, ou une fiancée chaste. Au début dans de telles conversions, il y a habituellement simple soumission ou obéissance qui ne cherche pas de complications. C’est ce que le Seigneur commande, et je dois faire Sa volonté : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements » Mais ensuite il y a une purification et on commence « à voir » – parce que l’impureté obscurcit l’âme et aveugle notre intelligence pratique. Rappelons qu’à celui qui était pur Notre Seigneur fait don de la vue.

Tout homme qui se convertit de cette manière passe du non-voir (« qu’est-ce qu’il y a de mal à cela ? ») à voir la grandeur du dommage que les pratiques non chastes apportent à l’âme. Disons-le, celui qui ne voit pas va utiliser des termes légaux, et celui qui voit utilise le langage de la santé et de la maladie, du bonheur et de la corruption.

Ce n’est pas un jeu et ce sont les réalités qui sont en jeu, plus réelles que le bien et le mal corporels. Quelqu’un qui ne voit pas pense en termes de légalité et se demande pourquoi la loi ne peut pas être pliée si on la trouve insupportable. Quelqu’un qui voit recherche les principes profonds de la vie à quoi se résume ce qu’il voit : «  Le corps est pour le Seigneur » (1 Cor 6 :13). ET « immoralité et tout ce qui est convoitise ne doivent pas même être nommées parmi vous, comme cela convient chez les saints » (Eph 5 :3).

Le fait de voir mène à la passion et à la colère, comme cela est normal, quand il s’agit de servir er de protéger. La colère est vertueuse ici, c’est l’indifférence qui est vice. Vous en connaissez comme moi des exemples : le père par exemple qui dans son emportement jette par terre les exemplaires de Playboy ou de Hustler quand le vendeur porte-à-porte lui dit d’y jeter un coup d’œil. Le bon père qui insiste avec colère pour que ses enfants soient dispensés d’assister au cours d’éducation sexuelle. Ou la vigilance pour les filtres Internet, les scènes indécentes dans les films et les livres corrupteurs.
Tout cela est évident. C’es un genre que nous voyons. La « révolution sexuelle » revendique quelques victimes, certains en se convertissant s’en sont détachés, ceux qui sont vraiment parvenus à voir. Et ceux qui voient sont rigoureux quand il s’agit du manque de chasteté. Quand les pères de famille ont le sens de leur responsabilité, cela apparaît dans un enseignement solide, l’attention de tous les instants et la rigueur (ou, ce que le non-voyant décrit comme rigueur, parce que personne ne voudrait qualifier de « rigoureux » quelqu’un qui a évité de boire n’importe quelle quantité d’eau empoisonnée).

Nous espérerions trouver le même type d’homme chez nos clercs. Mais le trouvons-nous ? Et je ne pense pas à ceux qui se disent furieux contre les « abus sexuels sur les mineurs », mais à ceux qui mettent toute leur passion à garder leur troupeau à l’abri de l’absence de chasteté.

La question m’est venue en lisant le récent témoignage d’un prêtre et théologien latino-américain homosexuel, James Alison, qui dit que le pape l’a fait venir personnellement et lui a dit qu’il lui conférait en quelque sorte le « pouvoir des clefs » (ce qu’Allison a compris comme voulant dire une faculté sans restriction d’entendre en confession), et lui a dit de continuer à faire sa tâche, dans la paix intérieure.

Je ne sais pas si cette histoire est vraie. Elle a été publiée la semaine dernière d ans le U.K.Tablet – et n’a pas été démentie par le Vatican. Mais ce qui m’a heurté, c’est ce qu’Alison dit là sur la chasteté. Il avait lutté de nombreuses années avec la même attirance sexuelle, dit-il, et contre l’enseignement de l’Église qui dit que les actes homosexuels sont «  des actes de grande dépravation » et « intrinsèquement désordonnés » (CCC2357).

Mais quand finalement il a rejeté cet enseignement (en tant qu’enseignement qui ne vient que de « quelques Congrégations romaines », dit-il), sa conclusion immédiate a été qu’il n’était plus lié à la chasteté. L’enfant terrorisé, qui avait accepté la ligne officielle selon laquelle il était le porteur de quelque chose d’objectivement désordonné et que donc le célibat était une obligation, avait fini par grandir.

D’un point de vue purement logique, cela a du sens. Si les actes homosexuels ne sont pas intrinsèquement mauvais, alors les actes non-procréateurs ne le sont pas non plus, et pas plus la fornication, et l’adultère n’est mauvais que parce que c’est une injustice. La chasteté en tant que domaine séparé caractérisé par l’effort et la morale, disparaît.

Mais voici ce que je pensais : il ne voit pas cela, et, de plus, il ne l’a jamais vu. La chasteté pour lui n’a jamais été plus qu’une obligation morale, conditionnée à une théorie. Mais où sont les prêtres et les évêques qui eux voient ? Sûrement certains par leur conversion se sont arrachés à la révolution sexuelle. Où se trouve parmi eux le type d’homme que j’ai décrit plus haut ?

Certainement, les signes extérieurs d’une conversion vers la vue semblent manquer. Le Synode de l’Amazonie suggère plutôt l’opposé, de la complaisance. Newman m’a montré cela dans un passage que j’ai trouvé dans son roman sur le Mouvement d’Oxford Loss and Gain [« Perte et Gain »]. Le protagoniste Charles Reding confie à un tuteur qu’il se sent attiré vers le célibat. Reding en donne le motif dans le regret de ses péchés et le souhait de les racheter. « Vous vous rappelez le Dr Johnson, un homme fait, debout sous la pluie sur la place du marché à Luchfield, comme une pénitence pour quelque désobéissance à son père quand il était enfant », il demande « J’ai certainement imaginé que ces jeûne, abstinence, difficultés, célibat pourraient être pris comme une compensation pour le péché. »

Reding dit qu’il trouve incroyable que quelqu’un » qui a un plein fardeau de péchés, et des péchés vraiment graves, … quand il tourne une nouvelle page… , n’a plus rien à craindre pour ses péchés passés.

En mettant Newman à côté d’Alison, je pense: jusqu’à quel point la confusion et le désordre dans notre Eglise sont-ils un sujet de peur parmi ceux qui voient qu’ils sont conduits par ceux qui ne voient pas ?

Mardi 1er octobre 2019

 

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/10/01/the-blind-leading-the-sighted/

Michael Pakaluk, universitaire aristotélidien et ordinarius de l’Académie pontificake de St Thomas d’Aquin est professeur à la Busch School of Business de l’Université catholique d’Amérique. Il vit à Hyattsville, avec sa femme Catherine, également professeur à la Busch School, et leurs huit enfants. Son dernier livre, sur l’Evangile de Marc, The Memoirs of St Peter [« Les Mémoires de Saint Pierre »]est aujourd’hui disponible à Regnery Gateway.