Lorsque disparaît une personnalité aussi riche humainement, intellectuellement et spirituellement que Benoît XVI, il est bien difficile d’établir le bilan d’une vie ou la synthèse d’une pensée. Pourtant, eu égard aux difficultés du temps présent, il est permis de se référer au jugement de fond que Joseph Ratzinger n’a cessé de porter sur la nécessaire réforme de l’Église. Que celle-ci ait toujours à se réformer constitue une certitude qui s’impose à toutes les époques. La difficulté est de déterminer selon quel éclairage et quelles priorités une telle réforme se doit d’être envisagée. Sans doute est-il utile de réfléchir à des aménagements structurels, à condition qu’ils ne contredisent pas la spécificité de l’institution ecclésiale, qui n’est pas d’origine humaine. Mais de tels aménagements requièrent eux-mêmes le secours de l’Esprit qui guide l’Église dans les méandres de l’Histoire.
L’exemple de saint Charles Borromée
Ainsi, le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, aimait rappeler l’exemple de saint Charles Borromée qui, au lendemain du concile de Trente, eut à reconstruire à Milan une Église presque détruite. Ce n’était pas à un retour au Moyen Âge qu’il voulait procéder mais à une restauration profonde conforme à un renouvellement dans l’Esprit. C’est dans cette ligne qu’il convenait de procéder. Encore faut-il être pénétré des convictions de saint Charles, oubliées par beaucoup. « Mon impression, avertissait Joseph Ratzinger, est que dans une large mesure, la signification authentiquement catholique de la réalité Église disparaît insidieusement, sans être explicitement rejetée. Beaucoup ne croient plus qu’il s’agisse d’une réalité voulue par le Seigneur lui-même. Même chez certains théologiens, l’Église apparaît comme une construction humaine, un instrument créé par nous et que nous pouvons donc réorganiser librement en fonction des découvertes du moment. »
Et le futur Benoît XVI de rappeler encore que « derrière l’apparence humaine, il y a le mystère d’une réalité surhumaine sur laquelle les réformateurs, les sociologues et les organisateurs n’ont aucune autorité pour intervenir ».
Faire briller le mystère de la foi
Ce rappel est d’une actualité frappante. En effet, à la suite de ce qu’on a appelé la crise des abus, beaucoup ont cru nécessaire d’en appeler aux sciences humaines, singulièrement à la sociologie, non seulement afin d’analyser les causes dites structurelles des graves abus justement dénoncés, mais aussi afin d’imaginer quelles autres structures pourraient se substituer à celles qui s’étaient révélées défaillantes. Mais il ne suffit pas d’en appeler aux sciences humaines pour obtenir des réponses pertinentes aux questions posées, d’autant qu’elles-mêmes sont traversées de courants contradictoires. Surtout, lesdites sciences ne sont pas forcément orientées vers l’objet spécifique d’une institution dont la mission est de faire briller le mystère de la foi.
Ainsi convient-il d’en revenir à l’orientation constante indiquée par Benoît XVI. Ce qui compte avant tout, c’est ce que Pierre Manent appelle dans le titre de son ouvrage sur Pascal « la proposition chrétienne ». Sans cette proposition, il n’y a pas de vraie réforme de l’Église.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- 3132-La visite du Pape en France (synthèse)
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ