Je serrais un livre recouvert de peau de chèvre nigériane et j’attendais qu’on m’amenât pour l’offrir à Jean-Paul II. Le temps passait et on n’avait pas encore appelé mon nom.
C’était en 2000 lorsque le mouvement Catholiques pour le Libre Choix menait campagne pour éjecter le Vatican des Nations Unies. Leur campagne en ligne avait rassemblé 700 groupes qui voulaient que le Vatican en sortît. Nous avons donc décidé de répondre.
Nous avons écrit un court document approuvant la présence du Saint-Siège à l’ONU. En six mois, 4 207 groupes du monde entier l’avaient signé, y compris les plus grands groupes protestants et musulmans du monde. Le résultat fut que la campagne se mit à bafouiller puis mourut.
Nous avons alors décidé d’offrir ce document et tous les noms des groupes au Saint-Père. Le nonce apostolique près les Nations Unies – l’archevêque Renato Martino – en fit la demande. Nous devions offrir notre livre au Saint-Père pendant son audience habituelle du mercredi place Saint-Pierre.
Mais c’est alors que les choses ont commencé à mal tourner.
Les instructions du Vatican stipulent que je me présente aux Gardes Suisses à la Porte de Bronze à côté de la place Saint-Pierre. Ils auront nos billets. Je bondis en haut des larges escaliers. Le garde Suisse fouille dans sa poche et me donne des billets jaunes. Ça se passe très vite. Il ne demande même pas à voir ma lettre. Les Suisses sont généralement dignes de confiance; mais quelque chose n’allait pas.
« J’offre un cadeau au Saint père. Est-ce que ce sont les billets pour cela ?
– Oh oui, ce sont les bons billets.
– Vous êtes sûr ?
– Oui. »
Je fais demi-tour et descends lentement les marches, je fais une pause, regarde mes billets qui ont l’air très ordinaires, je remonte lentement les escaliers, tapote sur ma lettre de la Maison Pontificale.
« J’offre un cadeau au Saint père. Est-ce que ce sont les billets pour cela ?
– Oui, ce sont les billets. »
Je m’éloignai. Je ne me sens pas mieux en voyant d’autres personnes marcher sur la place avec des billets jaunes.
Plus tard dans la soirée, à mon lieu de résidence, la sœur me demande si j’ai les
billets pour l’audience. « Oh oui, ils sont là. » et je lui montre mes billets jaunes. « Prenez ceux là, ils sont meilleurs, dit-elle en me tendant des billets oranges.
Oh non.
Nous pensons que ça pourra marcher lorsque le lendemain nos billets orange nous mènent à proximité du pape. Je serre mon livre recouvert de peau de chèvre et j’attends que l’on appelle mon nom.
Voici ce dont vous avez besoin…
Le temps passe. Personne n’appelle mon nom. L’audience se termine. Les gens s’en vont pour le rencontrer. Pris de panique, j’appelle monseigneur David Malloy, un Américain qui travaille à la Maison Pontificale, notre principal contact dans cette aventure.
« Demandez à un des gardes d’approcher du prêtre qui se tient juste à côté du pape. »
Etonnamment, le garde s’exécute. Le prêtre qui se tient au niveau de l’épaule de Jean-Paul II le regarde, ne voit personne de connu, secoue la tête négativement et le garde revient. Malloy me dit :
« Tendez votre téléphone au garde. »
Le garde refuse de le prendre.
« Mais c’est la Maison Pontificale ! »
Il refuse même de me regarder. Je signale le téléphone. Je crie. Rien. L’audience s’achève.
Monseigneur Malloy me dit de venir à son bureau et qu’il fera passer le livre en peau de chèvre au pape.
« Ces billets vous attendaient à la porte de bronze. »
Sur les billets : « Prima Fila » La rangée de devant !
Trois ans plus tard, ma jeune épouse et moi allons à Rome en voyage de noces.
Tout le monde disait : Cathy devrait prendre une robe blanche – il n’est pas nécessaire que ce soit ta robe de mariée – présentez-vous à l’audience du mercredi et vous serez bénis par le pape.
La nuit précédente, nous dînons avec un groupe de gens parmi lesquels Mgr Charles Brown, un Américain qui est maintenant nonce apostolique en Irlande mais qui à l’époque travaillait pour Ratzinger à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Mgr Brown dit :
« Il vous faut absolument des billets pour ça. Il ne suffit pas de venir en robe blanche. »
Il passe un coup de téléphone et nous obtient des billets. Pas de problème. Cette fois-ci, c’est un Américain qui s’en occupe.
Le lendemain, nous sommes dans une longue file de jeunes mariés et on nous conduit de plus en plus haut vers l’endroit où le pape va s’asseoir. Mais avant que nous arrivions sur l’avant de la rangée, le garde nous oriente sur le côté. Je demande quel est le problème et le garde et moi allons et venons, moi exigeant de savoir pourquoi on nous fait asseoir parmi les refoulés et lui essayant d’esquiver. Il finit par me dire que le problème vient de ma femme.
« Qu’est-ce qui ne va pas avec ma femme ?
– Il n’y a rien qui n’aille pas avec votre épouse, Monsieur. Elle est splendide ! C’est sa robe. »
Là, ses mains se tournent, paumes vers le haut, les épaules inspirées.
« Sa robe, Monsieur. Elle n’est pas MATRIMONIALE. »
Il est assez discret pour ne pas faire remarquer qu’elle n’est pas vraiment blanche et qu’elle est peut-être un peu serrée, mais comment cela pourrait-il poser problème, on est en Italie de toute manière. Nous quittons donc la place Saint-Pierre à la recherche de quelque chose de plus matrimonial. Nous n’avons pas trouvé et nous n’avons donc pas vu le pape.
C’était la deuxième tentative.
Il y a quelques semaines, mon organisation parrainait une conférence vaticane pour célébrer l’anniversaire d’Evangelium Vitae. Nous l’organisons et nous en assumons le coût, mais je n’ai pas pu y assister. Et ce dimanche, figurez-vous, je vois jaillir sur Facebook, image après image, des amis et des collègues participant à la conférence qui accueillent le Pape après sa messe sur la place St-Pierre.
Peut-être est-ce tout simplement moi. Mais je ne le pense pas. Ne laissez personne vous dire autre chose. Il peut vraiment être difficile de rencontrer le Pape !
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/adventures-in-stalking-the-pope.html
Illustration : Billet pour voir le Pape…
Austin Ruse est le président de l’Institut des droits et humains et de la famille catholique (C-FAM), basé à New York et à Washington (DC), institut de recherche qui s’intéresse exclusivement à la politique sociale internationale. Les opinions exprimées ici sont celles de M. Ruse et ne reflètent pas nécessairement les positions ou la politique de C-FAM.
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