L'Avent, un temps pour se réformer - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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L’Avent, un temps pour se réformer

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La réunion de novembre de la Conférence ces Evêques Catholiques des USA est dernière nous, même si la frustration qu’elle a causée est toujours là. La rencontre du pape François avec les présidents de toutes les conférences des évêques dans le monde ne se produira pas avant presque trois mois. Après Nouvel An, les évêques américains se rassembleront au séminaire de Mundelein pour une retraite d’une semaine sur le thème de la mission des Apôtres et de leurs successeurs. Ce qui revient à dire : le scandale des derniers mois est loin d’être résolu ; il s’incruste, se propage et s’envenime.

Rien que la semaine passée, la police a saisi les archives de l’archidiocèse de Galveston-Houston dans le cadre d’une procédure d’enquête sur des accusations d’abus sexuel visant le père Manuel La Rosa-Lopez. L’archidiocèse de Santa Fe vient d’annoncer qu’il allait déposer son bilan en raison des pertes financières causées par la crise des abus sexuels.

Scandale. Crise. Les gens en ont ras le bol. Certains quittent l’Eglise. Il y a un sentiment que les choses se détériorent ou qu’elles sont pour le moins très mal engagées. Récemment, on m’a remis en mémoire bien plus souvent que je ne l’aurais souhaité une petite phrase d’humour noir ecclésiastique qu’un vieil ami m’avait apprise : « le Seigneur a beaucoup à répondre quant à la création de Son Eglise ».

Le temps de l’Avent arrive, comme à son habitude, et c’est justement au moment où c’est le plus nécessaire.

L’Avent est un temps de pénitence mais également d’espérance. Il est facile de regarder au-delà, au-delà même de Noël, et de voir le voyage à Bethléem comme une petite part du grand drame de l’Incarnation et de la Rédemption. C’est vrai bien sûr, mais il y a quelque chose dans l’Avent qui implore la quiétude, la tranquillité et une réflexion approfondie sur la petitesse des choses dans leurs moindres détails.

Pour les chrétiens qui savent comment finit l’histoire, nous pouvons aisément tenir pour acquis l’affliction et la désolation dans lesquelles le Christ est entré de sa propre volonté. Le Christ enfant est entré dans ce monde (ou plutôt un monde pire encore que le nôtre car il n’était pas encore racheté). Il est venu dans un monde qui, sans Lui, était alors sans espérance. Et cette désespérance mérite qu’on s’y arrête pour apprécier pleinement la scandaleuse gratuité de la fête pour laquelle nous nous préparons.

Le Roi des Rois vient dans un monde noyé dans le péché, un monde qui, à vue humaine, est complètement non préparé à L’accueillir : Il sait qu’il n’y a pas de place à l’auberge. Il sait qu’Il aura une mangeoire pour berceau et d’humbles bergers pour Le recevoir. Il sait qu’Il va mourir pour nous, non pas parce que nous sommes saints, mais précisément parce que nous ne le sommes pas. Et pourtant Il vient.

Comme nous nous dépêchons de mettre de l’ordre dans nos vies pour préparer l’arrivée de notre Hôte Divin, nous devrions nous rappeler qu’Il sait ce que nous souffrons, Il connaît toutes les injustices que nous avons subies. Il connaît notre colère et notre frustration, et il connaît bien mieux que nous ne le pourrons jamais le terrible prix du péché – de notre péché. Et pourtant Il vient.

Aussi absurde que cela doive sembler aux oreilles qui n’ont pas entendu la nouvelle auparavant, il vient à nous comme un enfant nouveau-né. Il vient pour nous d’une façon si scandaleusement vulnérable que cela en défie la raison. Dans un sens, l’histoire de la Nativité est si manifestement absurde – Dieu en véritable bébé ? – qu’elle doit être vraie. Le Christ vient de la façon la plus surprenante.

Il vient pour le bien des victimes de prêtres et d’évêques qui ont abusé de leur autorité, trahi leur vocation et sont de venus des prédateurs pour leurs ouailles. Il est venu pour ceux qui ne voient que désespérance autour d’eux et pour ceux qui se considèrent comme indignes d’amour. Et il vient même pour tous les Theodore McCarrick de la terre – pour le bien de ceux que nous pourrions être tentés de voir comme au-delà de tout espoir.

Il ne sert à rien de s’énerver à propos de la crise des abus sexuels ou de la réforme – ni même de faire quoi que ce soit – si tout cela n’est pas vraiment vrai. Si c’est vrai, alors contempler le désespoir de la race humaine et la scandaleuse gratuité de l’Incarnation dans le contexte de notre malheur actuel n’est rien d’autre qu’un exercice de réalisme chrétien. Et s’il y a quelque chose à faire dans notre Eglise mise à rude épreuve, quelque chose d’utile, pour le moins, il faut le construire sur ce réalisme. Rien de ce que nous ferons (ou de ce que feront les évêques) ne réussira sans qu’Il ne s’en mêle.

Alors, en ce temps de scandale, d’attente, il vaut la peine de nous demander ce que nous pensons attendre. Croyons-nous tout savoir de Dieu ou avons-nous l’humilité d’attendre l’inattendu ? Sommes-nous préparés à voir le Seigneur réaliser quelque chose de nouveau et de surprenant ? Sommes-nous préparés à voir venir une réforme et un rajeunissement, venant peut être de lieux ou de personnes que nous estimons le moins ?

Le réalisme chrétien n’est pas la naïveté ; il est tout à l’opposé. Et, (c’est un autre de ses plans si étonnamment étranges) le Seigneur a choisi de dépendre de notre libre coopération pour la construction de Son Royaume. Mais si ce temps d’attente ne devait nous rappeler qu’une chose, ce serait que laissés à nos propres forces, à notre propre sagesse, nous sommes sans espérance.

Dire que « Dieu est un Dieu de surprises » est un cliché qui peut être utilisé pour excuser toutes sortes d’inepties. Mais il arrive que ce soit vrai. L’Avent – et celui-ci tout spécialement, quand nos esprits sont préoccupés de réforme – est un bon moment pour nous souvenir que tout ce que nous faisons dépend d’un Dieu qui a pensé que des bergers autour d’un nourrisson emmailloté couché dans une mangeoire de Bethléem serait ce qui convient.

Ceux d’entre nous qui désirent une réforme et un renouveau devraient prendre le temps de préparer… et de se préparer à l’inattendu :

Voyez, je fais quelque chose de nouveau !

Cela jaillit déjà, le le percevez-vous pas ?

Je trace un chemin dans les lieux désertiques

Et fais jaillir des rivières dans les terres en friche.

Stephen P. White est un membre des Etudes Catholiques au Centre de Politique Publique et d’Ethique de Washington.

Illustration : « la Nativité » par Domenico Ghirlandaio, 1492 [pinacothèque du Vatican]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/12/06/advent-and-reform/