Nicolas Senèze, notre confrère de La Croix, rend compte dans le quotidien d’une étude de l’institut de recherche américain Pew Research Center sur le paysage religieux mondial à l’horizon 2050. Dans l’ignorance des méthodes et des bases de travail de cet institut, il est difficile de juger de la pertinence des chiffres allégués, surtout dans un domaine qui relève largement des consciences personnelles, mais on peut penser néanmoins que les tendances générales indiquées doivent correspondre à des données assez fiables. Ainsi se trouve soulignée la très forte croissance de l’islam (+ 73 %) dont le nombre de fidèles deviendrait proche de celui du christianisme (2,76 milliards de musulmans pour 2,92 milliards de chrétiens). En 2050, l’islam réunirait donc 29,7 % de la population mondiale et le christianisme 31,4 %. C’est la plus forte croissance démographique qui rendrait compte de cette progression.
Compte tenu des autres religions de la planète, on est obligé de constater que le fait religieux est absolument massif et qu’il continue à conditionner totalement l’existence de l’humanité. En contraste, il y aurait même diminution de l’athéisme et de l’agnosticisme, sauf dans quelques pays occidentaux. Ainsi, on prévoit qu’en France le nombre des sans-religion deviendrait majoritaire à l’horizon 2050 (44 % de la population). D’évidence, ce contraste nous interroge, nous autres Français. Comment interpréter ce phénomène de déchristianisation, alors que l’Afrique se christianise de façon impressionnante ? Toujours, selon l’institut américain, quatre chrétiens sur dix en 2050 habiteront au sud du Sahara. On aurait donc tort de considérer que la sortie du religieux, qui nous est propre, concerne l’évolution historique obligée. C’est le contraire qui est vrai. La déchristianisation française s’inscrit en contraste avec l’expansion mondiale du christianisme, et encore plus de l’islam.
Quelles conséquences en tirer pour l’évangélisation nouvelle de notre pays ? Il faudra s’interroger à nouveaux frais là-dessus, sans se laisser impressionner par les diktats idéologiques. L’absence de culture religieuse constitue sans doute une des coordonnées majeures de l’éloignement de nos nouvelles générations par rapport à la foi. Indépendamment de ce que cela constitue comme déficit spirituel, il convient de remarquer comment la méconnaissance du facteur religieux entraîne une méconnaissance des ressorts essentiels du monde d’aujourd’hui. C’est ce que constate Marcel Gauchet, pourtant théoricien de cette sortie du religieux : « L’Europe est totalement démunie face au phénomène religieux qui continue d’être vivant dans le reste du monde et qu’elle ne prend pas au sérieux. 1 » Oui, il faut prendre au sérieux la religion au XXIe siècle !
- Marcel Gauchet avec Éric Conan et François Azouvi, Comprendre le malheur français, « Les essais », Stock.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- EN DÉGRINGOLANT LES ÉTAGES
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- SCIENCE ET TOLÉRANCE : THÉORIES « MAGNIFIQUES »