L'avenir des chrétiens du Moyen Orient vu par un Copte en France - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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L’avenir des chrétiens du Moyen Orient vu par un Copte en France

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Le synode de Rome pour le Moyen Orient a récemment permis aux catholiques occidentaux de mieux connaître les populations chrétiennes des pays du Proche et du Moyen-Orient : Égypte, Éthiopie, Soudan, Palestine, Syrie, Mésopotamie, Arménie, qui sont, depuis leur origine ou à partir de la conquête musulmane, souvent en-dehors de l’orthodoxie grecque de Constantinople, contrairement à ce certains peuvent croire. On a pu à nouveau préciser, pour les moins bien informés des Occidentaux, que ces chrétiens qui vivent en Égypte, au Liban, en Syrie, en Irak, en Jordanie et en Palestine, ne sont nullement d’origine islamique.

En effet, de 632 jusqu’à nos jours, l’histoire n’a pas enregistré de conversion massive d’Arabes musulmans au christianisme. C’est tout le contraire qui s’est produit et qui se passe encore de nos jours où des chrétiens sont forcés, pour des considérations d’ordre économique, social, professionnel ou politique, à se convertir à l’islam, notamment des coptes, chrétiens d’Égypte.

Les chrétiens de langue arabe du Proche-Orient sont donc les descendants des chrétiens des premiers siècles de notre ère, qui vivaient dans ces pays bien avant l’apparition de l’islam et qui ont été arabisés progressivement par la force des choses.

On a pu aussi préciser que ces chrétiens du Moyen et du Proche Orient, contrairement à une image répandue, ne sont pas des corps étrangers introduits sur une terre d’islam, mais, sont en général des habitants originels de l’Égypte, du Soudan, de l’Éthiopie, de ’Érythrée, de la Palestine, du Liban, de Syrie, de Jordanie, d’Irak, d’Iran, de Turquie, de Libye et d‘Afrique du Nord, avec toutes les variantes et subtilités introduite par l’Histoire.

Les chrétiens du Moyen-Orient nous rappellent donc que tous les peuples qui vivaient il y a deux millénaires dans cette partie du monde ont entendu en premier l’Évangile, qu’ils y ont largement répondu et ont contribué à le faire connaître au reste du monde.

Ce sont de nos rivages que se sont embarqués les prédicateurs pour annoncer la « Bonne Nouvelle » aux autres populations qui composaient l’Empire Romain. C’est dans nos Écoles philosophiques et théologiques qu’ont été formés les Pères de l’Église et les grands théologiens de la chrétienté des premiers temps : Origène, Clément, Pantènes, Athanase, Cyrille, Ephrem, Basile, Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, Grégoire l’Arménien Jean Chrysostome. Hilaire, etc. Tous ces Pères de l’Église ont été les grands défenseurs de la doctrine chrétienne, d’abord contre la gnose et ensuite contre l’arianisme, le nestorianisme, l‘euthychianisme, le monophysisme…

Faut-il rappeler que le monachisme est né en Égypte ? Jérôme, Hilarion, Jean-Cassien, Palladius et l’historien Rufin ont fait des séjours dans les déserts d’Égypte parmi les moines pour s‘initier à la vie ascétique des Pères du désert .

Jusqu’au VIIe siècle, le Proche-Orient était presque exclusivement chrétien. L’islam l’a supplanté par la force. Deux grandes étapes : la conquête arabe qui islamise l’Égypte et le Levant en six ans à peine, de 636 à 642 ; la conquête turque qui grignote l’Asie mineure entre le Xe et le XVe siècles. Une seule et même stratégie : quelques opérations militaires décisives permettent aux musulmans de prendre le contrôle politique d’une province ou d’un État; le nouveau pouvoir joue ensuite des divisions entre chrétiens (jacobites contre melkites, coptes contre orthodoxes, Grecs contre Latins); enfin, le régime de la « dhimma » (« protection ») , mélange de mesures discriminatoires et d’oppression financière, incite peu à peu les chrétiens à se convertir par familles ou parentèles entières. Au bout de quelques générations, un pays qui était chrétien à 90 % au moment de la conquête ne comporte plus que quelques minorités chrétiennes, soit dans les villes, où elles exercent des professions jugées « utiles » par le pouvoir islamique, soit dans des régions difficiles d’accès, notamment les montagnes. L’islam entreprit ensuite la conquête des Balkans, de l’Asie Mineure et d’une partie de l’Europe avec les succès et les échecs que l’on connaît.

Partout les populations chrétiennes et juives « dhimmi » ou «  Ahl Al kitab » pouvaient cependant négocier des traités avec les musulmans, bénéficier de la reconnaissance du droit à la vie, à la sécurité des biens, à l’autonomie civile et à une relative liberté de culte. C’est ce qu’on a donc appelé le statut de « dhimmi ». Il a duré jusqu’en 1856, c’est-à-dire à l’époque où l’empire ottoman accorde aux chrétiens et aux juifs une pleine citoyenneté. Cependant, aujourd’hui encore, dans la plupart des pays anciennement ottomans, chaque citoyen doit encore mentionner sa religion sur tout documents administratif.

De ce fait, les chrétiens se retrouvent plus facilement citoyens de se­­conde zone, otages et bouc-émissaires des frustrations entretenues par des régimes incapables de faire progresser économiquement et socialement leurs sociétés.

Les chrétiens d’Orient – qui ont été l’alpha de la chrétienté, et qui demeurent les plus fidèles dépositaires des valeurs de la civilisation judéo-chrétienne – sont aujourd’hui menacés d’anéantissement dans plusieurs de ces pays à court terme – come l’Irak – et peut-être dans tous à plus long terme.

Que soit définitivement vidé le Moyen-Orient de ses derniers chrétiens ne semble pourtant pas troubler la conscience du monde occidental. Les massacres perpétrés en Egypte, à Alexandrie pendant la semaine Sainte dans trois églises en avril 2006, à Louxor, dan le village d’El Kocheh — où 21 coptes ont été assassinés par des islamistes dont les noms sont connus des autorités du pays, mais jamais jugés —, à Nag-Hammadi où six jeunes coptes ont été assassinés la nuit de Noël copte le 6 janvier 2010 — sans aucun jugement non plus — n’a guère fait de buit dans les médias occidentaux.

Dans cette situation difficile, les chrétiens d’Égypte gardent une attitude admirable, de maîtrise d’eux-mêmes, dans la foi en Dieu et en l’assurance de leurs droits. Ils proclament leur volonté de rappeler que la Constitution de La République d’Égypte leur accorde les mêmes droits qu’à leurs concitoyens musulmans.

Mais la Pratique des Pouvoirs Publics est tout autre : les coptes sont privés de certains droits, l’accession à tout poste de direction leur est fermée dans l’Armée, la Police, la Justice et le Corps diplomatique. Aucun préfet de département, aucun recteur d’Académie, aucun président d’université, aucun président de municipalité d’une grande ville, aucun président de tribunal, aucun président d’une chaîne de télévision, etc., n’est copte
Au niveau des fonction électives, les coptes sont l’objet d’une sous-représentation organisée. Leur représentation institutionnelle ne dépasse guère le 0, 2% alors qu’on estime leur nombre entre 10 et 15% de la population. Un seul député copte sur les 444 qui composent l’Assemblée nationale actuelle.

Ils leur est extrêmement difficile, de construire de nouvelles églises ou, même, de les restaurer. Trois permis de construire ont été accordés, juste avant les dernières élections présidentielles qui se sont déroulées en septembre 2005, sur une centaine de demandes qui dorment depuis vingt ans dans le bureau du Président de la République. Car, c’est lui seul qui accorde ou refuse les permis de construire des églises, alors que dans le même temps, il n’est pas nécessaire de faire de demande pour la construction des mosquées. Tout citoyen peut où il veut et quand il veut construire une mosquée. [Il y a d’ailleurs de plus en plus saturation de mosquée dans beaucoup d’espaces privés et publics au détriment de tout aménagement social du territoire].

Il est également interdit aux coptes de professer publiquement leur foi; et si des musulmans se convertissent au christianisme, ils sont emprisonnés et torturés, parfois jusqu’à la mort, en même temps que ceux qui les ont convertis !

Un copte égyptien réfugié en France ne peut pas ressentir une certaine amertume en constatant que les communautés musulmanes non nationales des pays occidentaux de tradition chrétienne, bénéficient ici — même si elles sont plus ou moins bien acceptées — de tous les avantages sociaux des nationaux. Elles sont aidées et des lieux de cultes sont mis à leur disposition, elles peuvent pratiquer librement leur religion. Elles ont des journaux et des revues librement imprimés et distribués, elles possèdent plusieurs stations de radiodiffusion. Elles bénéficient de la liberté d’expression à la télévision, ainsi que de l’exercice du droit de réponse. Tous ces avantages dont jouissent les musulmans dans les pays occidentaux de tradition chrétienne, les chrétiens d’Orient en général, et les Coptes en particulier, en sont privés dans les pays à tradition islamique. Au contraire, ils lisent entendent et voient des insultes, des injures, des moqueries, des mensonges sur leur religion dans tous les médias contrôlés par l’État égyptien.

Comme l’a dit, le 13 janvier 1990, le Pape Jean-Paul II, dans son discours au Corps Diplomatique : « La liberté religieuse ne saurait être limitée à la tolérance. Elle est une réalité civile et sociale, assortie de droits précis permettant aux croyants, et à leurs communautés, de témoigner sans crainte de leur Foi en Dieu et d’en vivre toutes les exigences ».
L’intolérance et le fanatisme devraient être combattus non seulement par tous les croyants monothéistes (quelle que soit leur religion) mais aussi par les non-croyants (deux des caractéristiques revendiquée par la laïcité moderne ne sont-elles pas le respect de l’autre et la liberté de choix ?).
Alors, ô pays des « Droits de l’homme » que faites-vous de vos responsabilités envers des hommes et des femmes spoliés de leurs droits les plus sacrés, les droits de s’exprimer, de prier, de professer leur foi, d’avoir un lieu de culte de changer de religion, de se marier avec l’être qu’il aime, de fonder une association, d’écrire, d’exprimer son opinion, de fonder un parti, etc.

Annie Laurent a grande raison de poser la question:  Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? (éd. Salvator). Sa conclusion est frappante : « Peuvent-ils croire à leur avenir dans un environnement aussi difficile ? Avec l’ espérance qui les habite, impossible devient possible. »

Certes, mais ma constatation de la situation actuelle des chrétiens d’Orient des pays arabo-musulmans qui souffrent quotidiennement de toute sorte, de persécutions me fait plutôt penser que très bientôt, il n’ y aura plus de chrétiens dans leur berceau originel. Il n’ y aura plus ce pont indispensable entre l’Orient berceau des civilisations et l’Occident berceau des Droits de l’Homme. Ce n’est pas seulement un cri de détresse, c’est le constat d’une réalité qui rappelle la plus sombre et la plus dramatique moment de leur histoire.


Wadie ANDRAWISS, Les Eglise Orientales Pré-Chalcédoniennes dans l’Encyclopédie des Religions, édition Bayard.

Né en 1940, Wadie Andrawiss est enseignant et historien. Il est titulaire d’un doctorat en Sciences religieuses (Strasbourg), thèse sur le « Statut personnel des chrétiens d’Egypte », d’un diplôme de Civilisation Islamique (Bordeaux III), d’une licence ès-Lettres langue et littérature Arabe (Paris III La Sorbonne) et d’un D.E.A Histoire des Religions et Anthropologie Religieuse (La Sorbonne Paris IV).

Enseignant en France et à l’étranger. Son premier poste était au Collège Saint Antoine de Jérusalem. Son dernier poste était celui de Directeur pédagogique dans l’Enseignement catholique. Il est historien spécialisé dans l’histoire des Chrétiens d’Orient en Général et l’histoire des Coptes en particulier.

Conférencier à la Sorbonne de 1988-1994 dans le cadre de l’Université – Inter-Âges. Les sujets de ces conférences, divers et variés, traitaient des Chrétiens d’Orient, de l’Egypte chrétienne, des Lieux Saints de la Palestines, etc. Depuis septembre 2005, il est conférencier à l’Université du Tiers Temps de Montpellier et à l’Université de Temps Libre du Bas Languedoc.

Auteur de plusieurs sujets publiés dans la Revue Le Monde copte sur l’Art Copte – le Renouveau dans l’Eglise Copte – l’Organisation de la vie paroissiale dans l’Eglise copte – plusieurs articles dans le N° 20 du Monde Copte sur le monachisme copte.

Auteur de l’Article sur « Les Eglises Pré-chalcédonienne » dans l’Encyclopédie des Religions édition Bayard.

« L’Egypte copte, deux mille ans de christianisme » sur le site théologia , Bayard également.

Plusieurs articles sur la situation des chrétiens dans les pays arabo-musulmans publiés dans la revue L’Oeuvre d’orient – voir également le site de la custodie de la Terre sainte ainsi que la page copte www.Wadie andrawiss.fr