Elisabeth Montfort, en militant en faveur d’un féminisme chrétien s’est engagée au service d’une cause absolument essentielle pour notre temps. Nous sommes, en effet, au cœur d’une bataille culturelle dont les enjeux anthropologiques et sociétaux sont considérables. Certains jours, on pourrait se demander si cette bataille n’est pas d’ores et déjà perdu tant certains concepts, certaines représentations semblent s’être imposés jusque dans le langage commun, comme des évidences. Oser dans les médias la moindre contestation des idées désormais reçues relève de l’exploit et expose à une avalanche de dénonciations. Notre collègue Eric Zemmour en a fait récemment l’expérience sur une autre antenne. Et pourtant c’est une belle et grande cause que celle de la femme et je me demande d’ailleurs si l’agressivité déployée n’est pas le symptôme d’un trouble profond, comme si on avait peur que la trop belle révolution des mœurs soit remise en cause par les nouvelles générations et comme si l’on craignait « le retour du refoulé » comme le disait en un autre temps Maurice Clavel.
Le dernier ouvrage d’Elisabeth Badinter est intéressant à ce propos. Il exprime la peur d’une dénégation de son combat féministe et de ses thèses comme celle de « l’illusion de l’instinct maternel ». Sa position est dans la logique des théories exposées jadis par Simone de Beauvoir dans « Le deuxième sexe ». S’y révélait notamment une véritable phobie de la nature biologique de la femme, du corps féminin tout simplement, notamment en raison de tout ce qui le détermine à la fécondité et à la maternité. C’est d’ailleurs tout le paradoxe de ce féminisme à la Beauvoir et à la Badinter, si l’on me permet cette expression un peu triviale. C’est qu’il veut promouvoir la femme en ignorant la femme et en imaginant sa promotion uniquement en fonction du modèle masculin, qui, du même coup se trouve surévalué et devient le seul critère de la réalisation de soi et de la réussite sociale. Je ne nie pas que l’accès des femmes aux responsabilités de la vie sociale, politique et économique ne constitue un réel progrès, une chance de promotion non seulement utile aux femmes elles-mêmes mais à la société tout entière. Mais justement la question est de savoir en quoi cette promotion est vraiment féminine et correspond au véritable épanouissement de la femme.
D’ailleurs, on sait comment le défaut de symbolique féminine chez Simone de Beauvoir a provoqué un autre féminisme qui a développé en réponse, une sur-symbolisation qui devient absurde, en imaginant un monde spécifiquement féminin en lutte contre le monde masculin, stigmatisé à tout jamais comme « machiste ». La question, c’est celle de l’échange et de la réciprocité. Promouvoir la lutte des sexes est dangereux. Il existe une autre ligne, inspirée par le christianisme et qui vise la complémentarité tout en valorisant le mystère féminin. Une Gertrude Von Le Fort, amie d’Edith Stein en avait dessiné les grandes tendances. Par avance, elle avait répondu à Simone de Beauvoir. A l’opposé de la mystique névrosée que dénonce « Le deuxième sexe » elle ouvre le chemin d’une vocation spirituelle privilégiée. A l’opposé du refus beauvoirien de l’engagement au mariage, elle ouvre à la spécificité de l’union nuptiale. Face à la phobie de la maternité, c’est-à-dire de l’ouverture à la vie et de l’éducation des enfants, elle magnifie la grandeur de la mère. Face à ce féminisme là, le féminisme anti-féminin apparaît comme eut dit Bernanos, d’extrême arrière-garde. Et la vocation de la femme redevient la question de l’avenir.
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