Autrefois, les gens établissaient des théories sur l’histoire.
Dans le livre ‘La veillée Finnegan’ que, croyez-moi sur parole, je n’ai pas lu de bout en bout, James Joyce joue avec la théorie des cycles en histoire de Giambattista Vico : l’âge des dieux, l’âge des héros, l’âge des humains. Marx et Engels nous ont donné le matérialisme historique : thèse, anti-thèse, synthèse. Les Lumières nous ont donné diverses formes de progressisme, qui, en résumé, équivalent à cette idiotie patente : les choses vont toujours de mieux en mieux.
Ce qui n’est pas le cas.
Je suis peut-être un des rares à ne pas croire au retour de balancier. Je sais, je sais : il semble fort qu’un Carter nous donne un Regan et qu’un Obama produise un Trump, mais il me semble plus sensé d’évoquer un gamin sur un cheval à bascule : quoi qu’il puisse penser alors qu’il se balance, il n’avance ni ne recule, il ne va nulle part : il n’y a ni progrès ni régression.
« Le progrès », écrivait M. Chesterton dans ‘Hérétiques’, « est un comparatif pour lequel nous n’avons pas fixé le superlatif ». Nous ne le ferons jamais.
Et dans ‘Alarms and Discursions’, Chesterton écrivait :
La calamité du siècle passé a été ce qui est appelé le mouvement de balancier, c’est-à-dire l’idée que l’Homme doit forcément aller alternativement d’un extrême à l’autre. C’est une chimère indigne et même choquante ; c’est la négation de toute dignité humaine… Ainsi, des centaines de gens deviennent socialistes, non pas pour avoir essayé le socialisme et l’avoir trouvé bien mais parce qu’ils ont essayé l’individualisme et l’ont trouvé particulièrement abject… L’Homme doit bien se diriger quelque part. Mais l’homme moderne (dans ses réactions insensées) est prêt à aller nulle part – pourvu que ce soit l’autre extrémité de nulle part.
Ce mois de janvier marque solennellement le début du long carnaval politique qui ne prendra probablement pas fin le 04 novembre, lendemain de l’élection présidentielle. Oh, bien sûr, nous avons déjà vu quelques débats démocrates (et le président républicain argumenter vigoureusement avec lui-même), le comportement de chaque parti semblant par moments aller à l’encontre de son propre intérêt.
Décider pour qui voter est modérément facile pour qui est Républicain de nom à New-York. A la dernière élection présidentielle, j’ai voté pour un copain de lycée, étant sceptique concernant le porte-drapeau de « mon » parti, et de toute façon, il était clair que le candidat républicain de 2016 ne l’emporterait pas dans l’État ; aucun républicain ne l’a fait depuis Ronald Reagan en 1984. Rien n’arrivera entre maintenant et novembre qui puisse propulser le Président Trump, ou tout autre candidat républicain à la victoire dans l’Empire State.
À chaque fois que vous avez un état mono-parti, il y a automatiquement de la corruption, et pas uniquement par de la fraude électorale mais également au moyen de dispositifs légaux. A New-York, le Parti Démocrate emploie ses électeurs. Comme le note ‘Empire Center’ (NDT : groupe de réflexion indépendant) : « dans 51 des 62 régions de l’état de New-York, le salaire moyen des emplois de l’état et du gouvernement local est supérieur au salaire moyen du secteur privé. » Ce n’est pas vrai dans la Grosse Pomme elle-même, bien sûr mais c’est un fait que les statistiques sur l’emploi dans l’Etat de New-York montrent que le secteur public emploie 1,5 millions de salariés de plus que le secteur privé. Ces fonctionnaires, de même que les citoyens dont les ressources principales proviennent de programmes d’aide sociale administrés par les fonctionnaires gouvernementaux sont les raisons pour lesquelles les Démocrates ont la mainmise sur les élections d’état dans New-York.
Il y a toujours une grande vitalité dans New-York, bien qu’il y ait des raisons de craindre que, à mesure que les impôts et taxes s’accroissent pour faire face aux dépenses toujours grandissantes du gouvernement, les citoyens productifs et les entreprises ne partent en nombre. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se produire. Ce n’est pas encore un exode, mais le nombre est significatif, surtout depuis que New-York accueille les immigrants sans limite de nombre ni attente de productivité de leur part. Aucun des cinq arrondissements de la City n’est sur le point de devenir semblable à un quartier pauvre de Caracas, bien sûr. Pourtant le processus est l’équivalent politique d’une réaction en chaîne.
Par association d’idées, tout cela me rappelle qu’on ne doit pas mettre sa confiance dans les princes des royaumes terrestres. Le Psaume 146 « de David » (versets 3 à 5), qui commence par « Loue le Seigneur, loue le Seigneur, ô mon âme ! » poursuit en ajoutant fort logiquement que « il n’y a pas de salut » à trouver chez les princes. Cela s’applique également à tout mortel ordinaire.
Les partisans de nombre de politiciens semblent par moments ne pas s’en souvenir. Ce n’est pas qu’ils rendent un culte à un Trump ou à un Biden, mais ils idolâtrent et idéalisent leurs champions, à tel point que les autocollants sur leurs voitures pourraient parodier ceux des fondamentalistes protestants : « Il a dit… ; je le crois car ce qu’il dit est ferme et sûr ».
Je m’énerve chaque fois que j’entends quelqu’un soutenir un candidat en disant : « je suis à 100% pour tel ou telle ! » Quelle terrible chose à dire.
Votez pour votre candidat, évidemment, mais marchez quelque part, et équilibrez votre opinion avec un soupçon au moins du pessimisme de l’Ecclésiaste. Il est toujours bon professeur. Comme David, l’Ecclésiaste était un meneur, bien que n’étant pas un roi (à moins que, comme certains l’ont suggéré, il ne soit Salomon, le fils de David) et sa longue expérience (qu’il raconte dans l’Ecclésiaste) lui a donné quelques perspectives sur la vie qui anticipent d’un demi-millénaire de nombreuses paroles du Christ.
Dans le chapitre 3 – celui qui commence par « il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux » – il écrit : « sous le soleil, j’ai vu la cruauté à la place d’une sentence équilibrée et l’iniquité à la place de la justice ». Pensons-nous réellement que les choses ont changé ?
Mais le pessimisme de l’Ecclésiaste est -il un guide politique sûr ? Certainement. Le mien ne le serait pas, mais le sien si. C’est parce que la vanité qu’il déplore (vanité si présente de nos jours) en est la preuve omniprésente :
Avant que le bol d’or ne soit brisé
Que la cruche ne se fracasse à la fontaine
Et que la poulie du puits ne se désagrège
Que la poussière ne retourne à la terre dont elle est issue
Et le souffle de vie à Dieu qui l’a donné.
Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste,
Tout est vanité ! (12:6-8)
Amen.