« L’autorité suppose une vision » - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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« L’autorité suppose une vision »

Familier de l’œuvre de Gaston Courtois, le général Pierre de Villiers a développé dans ses livres une réflexion sur l’art de commander et la légitimité de l’autorité, nourrie par son expérience à la tête des armées.
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Le Père Courtois lors du ravivage de la flamme du soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe à Paris.

Le Père Courtois lors du ravivage de la flamme du soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe à Paris.

© Service des archives des Fils de la Charité

Que nous apprend Gaston Courtois, que vous avez lu ? Pierre de Villiers : J’avais en tête ses livres quand j’ai écrit Qu’est-ce qu’un chef ? Son œuvre a le mérite d’être très pédagogique, il use d’un langage presque militaire. Il a fait la guerre. Il a été blessé. Il a lu les écrits de grands soldats, comme Lyautey, et cela se voit. Il a tiré profit de cette expérience. L’art d’être chef, par exemple, est structuré en trois parties : « La mission du chef » ; « Les qualités du chef » ; « L’exercice du métier de chef ». Ce sont les grandes questions – pour quoi ? quoi ? comment ? – dont dépendent l’exercice de l’autorité et son acceptation. J’aime aussi sa définition du chef : celui qui est à la tête et qui est en tête, c’est-à-dire celui qui donne l’impulsion mais qui montre aussi l’exemple. L’un ne va pas sans l’autre. Comment restaurer la légitimité du chef dans un monde où tout paraît « relatif » à nos contemporains ? Où l’on peut dire, « en même temps », une chose et son contraire ? Nous vivons une crise de l’autorité. Un fossé s’est creusé entre ceux qui décident et ceux qui exécutent. Comment le réduire ? En rappelant ce qu’est l’autorité, de quoi elle se nourrit et comment on doit l’exercer. En un mot, commander. Pour être acceptée et même désirée, l’autorité doit suivre la règle des 4 « C » : concevoir, convaincre, conduire et contrôler. Concevoir, c’est planifier l’utilisation des moyens pour parvenir au but fixé ; cela suppose une vision, que l’on s’efforce de partager. Et puis convaincre : c’est la phase pendant laquelle il faut susciter l’adhésion. Ensuite, conduire : quand le cap est fixé, on le garde malgré les aléas ; on tire des bords, comme les marins, mais on ne dévie pas de son but. Contrôler, enfin, c’est ce qu’on appelle le retour d’expérience dans l’armée. Il ne doit pas être tatillon mais viser à améliorer les choses. L’autorité ne va pas sans la confiance… Exactement ! Commander suppose trois choses : que l’on ait confiance en soi, que l’on fasse confiance aux autres, que les autres aient confiance en vous. Cette confiance réciproque permet la délégation et la subsidiarité : laisser l’échelon compétent exercer les responsabilités qui lui incombent. L’autorité a une vertu pédagogique : le mot vient du latin augere qui signifie « augmenter », « faire croître ». L’autorité vraie, finalement, c’est quand l’ordre a été exécuté avant même d’être donné ! Or, la confiance ne va pas de soi, il faut la susciter et la gagner. La susciter par son leadership, son charisme, sa capacité d’entraînement. Et la gagner en proposant une vision, c’est-à-dire en déployant une stratégie sur le long terme, alors que nous en restons trop souvent à la tactique qui se soucie du quotidien. Sans cela, si la confiance n’est pas rétablie, la machine à produire des lois et des normes continuera de s’emballer – produisant des règles qui sont de moins en moins respectées à mesure que la défiance s’installe. C’est bien l’autorité de l’État qui est en jeu. Retrouvez l’entretien complet dans notre numéro spécial.
—  pierre_de_villiers.jpgParoles d’honneur, Pierre de Villiers, éd. Fayard, 2022, 270 pages, 21,90 €.