« L’attrait de la médiocrité », comme, un jour, l’appela un ancien président de mon université : tendance à rabaisser les gens créatifs, énergiques, au statu-quo ; réprobation de tout ce qui ferait croître la capacité d’excellence.
C’est une tendance qu’on trouve dans nombre d’organismes, en particulier lorsqu’ils sont noyés dans la bureaucratie, mais c’est spécialement frustrant de la trouver dans des établissements d’enseignement, y-compris des lycées catholiques.
Je ne saurais vous dire le nombre de jeunes gens brillants, ambitieux, énergiques, que j’ai rencontrés au fil des années, désireux de servir la société et l’Église en enseignant dans un lycée catholique, et qui ont abandonné au bout d’un an ou deux.
Une légende que vous entendrez souvent :
Ces jeunes gens ambitieux, pleins d’idéal, entraient dans la salle de classe et se fracassaient contre un mur de réalités. Ils n’étaient simplement pas préparés à s’occuper des enfants.Je refuse d’entendre cette histoire. Ce que moi, j’entends jour après jour :
C’étaient des enfants de bon calibre. Je n’en attendais pas la sainteté. Nous étions dans un lycée ; je voyais bien comme étaient des classes dans un lycée. Mais ce que je n’attendais pas, c’était les perpétuelles interventions de l’encadrement comme des parents « ne soyez pas trop exigeant avec les enfants. »Cette histoire que j’entends encore et encore, la voici :
Ce sont les parents et les dirigeants qui ont poussé à bout les enseignants lançant un défi aux lycéens pour les élever au-dessus du statu-quo.Il y a, bien sûr, des parents qui cherchent les bons enseignants et veillent à ce que leurs enfants soient inscrits dans leurs classes. Ils vont même parfois visiter la classe, et prononcent des paroles de soutien, d’encouragement, et de remerciements. Ils sont la goutte d’eau dans le désert, la manne tombée du ciel. Et cependant, me dit-on, de plus en plus de parents anti-catholiques et de lycéens semblent considérer l’enseignement secondaire catholique comme la solution la moins coûteuse face aux établissements publics en échec, sans sécurité. Mes amis étaient choqués par la demande essentielle de parents innombrables : « cessez d’instruire mon enfant. » Ils ne le disaient pas, bien sûr, mais c’était leur vœu sous-jacent quand ils se plaignaient sans cesse. « Moins de lecture ! » « Pas de devoirs du soir ! » « Ces manuels sont trop ardus ! » « Vous ne pouvez attendre une telle masse de travail d’un lycéen ! » « C’est un travail du niveau de la Fac. » Enseignant en faculté, je suis souvent surpris par la quantité pitoyable de lecture que les gens imaginent représenter un travail de « niveau supérieur ». C’est moins cocasse quand mes étudiants se plaignent de se faire infliger un travail de « haut niveau universitaire ». Je réponds en citant un étudiant en fin d’études de médecine venu nous remercier pour lui avoir recommandé tant de lectures : « C’est ce qui m’a aidé dans mes études ; je peux maintenant lire en une semaine ce qu’on était capables de lire en un mois. » Et on n’a pas encore parlé dinstruction religieuse. « La théologie ne devrait pas être une telle corvée. » « Vous mettez en péril la foi de mon enfant. » Lire les écrits de Ratzinger, de Jean-Paul II, lire le Catéchisme de l’Église Catholique, est-ce mettre en danger la foi de votre enfant ? Effarant. Si cet enfant ressemble à peu près à la plupart des ados à qui j’enseigne, il (elle) n’a vraisemblablement pas la moindre idée de ce qu’est sa foi. Prononcez « Pentecôte », et vous verrez des yeux grands comme des soucoupes, même chez des étudiants qui vous assurent ne pas avoir besoin d’un cours sur l’Enseignement de l’Église Catholique, ils ont déjà reçu douze ans d’instruction religieuse. Je commence à comprendre pourquoi ils sont si ignorants. Il y a des gens qui ne cherchent pas à savoir davantage. Ils démolissent les maîtres qui visent à inspirer le besoin d’excellence. Ils critiquent tout ce qui dépasse le médiocre statu-quo. Et, pire que tout, ils affichent leur mépris envers les étudiants à qui ils font tant de mal. Il n’y a guère plus énervant que les enseignants et personnels administratifs qui disent et redisent l’importance qu’ils attachent aux étudiants, mais se moquent bien de ce qu’il faudrait faire ; qui parlent sans cesse du souci à prendre envers les élèves mais ne prennent jamais le temps ni ne consacrent l’énergie nécessaires pour la réussite. « Accompagnez-les .» tel est le slogan administratif à la mode infligé aux professeurs pour les dispenser d’un authentique enseignement. « Le niveau exigé est trop élevé. » selon parents et dirigeants. « Oui, à présent. Mais çà ne durera pas. Pas sous ma direction.» Alors les critiques se mettent à pleuvoir, et vous sentez l’attraction de la médiocrité vous attirant vers le bas. « N’en faites… pas… tant. Acceptez le statu-quo ; les autres le font bien. » Résultat : une génération « Flocons de neige » de jeunes que nous voyons maintenant entrer à la Faculté en souhaitant y être cajolés et protégés. Dans un article récemment publié par The Catholic Thing j’émettais l’opinion que l’instruction est de moins en moins considérée comme un moyen de développement des facultés intellectuelles, de culture de la prudence et d’élargissement du domaine moral. Ce n’est plus qu’un « système » à suivre… Les étudiants savent bien qu’il leur faut ce qu’on appelle un « diplôme », qui n’est rien de plus qu’un « ticket d’entrée pour autre chose. Où donc ont-ils déniché cette idée ? Peut-être chez leurs parents — dont voici l’attitude : « N’instruisez pas mon enfant, contentez-vous de lui faire obtenir les diplômes nécessaires pour être admis à Harvard. » Le nombre de gamins des écoles catholiques qui imaginent leur avenir en Université « Ivy League » [N.d.T. : l’élite des grandes Universités Américaines.] me laisse pantois — tout comme le nombre de lycéens plutôt bons joueurs de foot-ball qui se voient déjà dans une équipe NFL [N.d.T. : National Football League, les équipes nationales de Football Américain]. C’est illusoire, même si vous pensez que c’est un but méritant d’être visé. Suggestion de rechange : envisager une existence avec du sport, de l’exercice, des études ? L’école n’est pas un ticket à poinçonner : elle ouvre l’accès au monde de culture où vous vivez. Il ne s’agit pas d’atteindre un certain style d’exixtence ; il s’agit de vivre. Grande différence. Oh, à retenir : la théologie, comme toute autre matière, est difficile, et mérite qu’on l’étudie, spécialement parce qu’elle touche la vie éternelle. Si vous souhaitez pour votre enfant un enseignement d’école publique, améliorez l’école publique. Mais ne sautez pas sur le lycée catholique local pour vous plaindre ensuite que c’est « trop difficile » — et trop catholique. 17 septembre 2016. Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/17/the-magnet-of-mediocrity/