L'athée du village - France Catholique
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La justice de Dieu
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L’athée du village

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Dans le roman de P. G. Wodehouse’s, Jeeves et la Saison des amours on trouve une scène remarquablement imaginée. La ravissante Cora (Corky) Pirbright, actrice hollywoodienne et nièce du Révérend Stanley Pirbright décide de se venger de l’officier de police, un homme du nom de Dobbs. Ce dernier est par ailleurs connu comme « l’athée du village ». Le dit officier de police Dobbs, athée qu’il est, mène la vie dure au Révérend Stanley Pirbright. Et donc Corky trouve qu’il est temps de prendre sa revanche sur cet incroyant.

Cette vengeance (je n’entrerai pas dans les détails) occasionne l’une des intrigues les plus compliquées que l’on connaisse. Comparée à celle-ci, une intrigue de Sherlock Holmes, c’est de la roupie de sansonnet. Corky projette de demander à Bertram Wooster et Gussie Fink-Nottle de jouer dans une saynète paroissiale. Pendant la pièce, le policier athée va recevoir un coup de parapluie sur la tête, administré par Bertie.

L’idée derrière cela, c’est que le seul moyen d’action efficace avec les athées, c’est la force physique, particulièrement si ce sont des officiers de police. Les arguments ne les feront pas bouger d’un pouce. En tout cas, la « promise » du policier, qui porte le nom délicieux de « Queenie », la plus jolie femme de chambre de toute l’Angleterre, se soucie des effets de l’athéisme sur l’âme de ce Dobbs.

Ce thème de « l’athée du village », c’est quelque chose qui m’intrigue. William Donohue a récemment fait paraître un article sur un athée Canadien qui s’est attaqué à Mère Teresa, aussi incroyable que cela puisse paraître. La religieuse qui passait son temps à soigner les souffrants était, parait-il, insensible et cruelle. Mieux valait simplement laisser les souffrants mourir, accompagnés par leurs amis qui leur montraient un peu de compassion. S’il n’y a pas de Dieu, dans la logique athée, il n’y a généralement pas grand place pour les souffrants non plus. La cible visée en fin de compte, c’est évidemment le Logos incarné qui a été crucifié.

Les psaumes qui parlent de cet homme qui dit dans son coeur qu’il « n’y a pas de Dieu » m’ont toujours marqué. Généralement, les athées de la Bible se figurent que Dieu ne peut les voir. Alors à quoi bon se tracasser ? Il existe parait-il aujourd’hui une nouvelle forme d’athéisme. L’athéisme classique gardait malgré tout l’idée que l’existence n’était pas dépourvue de sens. De ce fait, à l’origine ces systèmes athées de l’époque moderne étaient proposés comme solution aux maux de l’humanité. À la racine de l’athéisme il y avait un utopisme. Ce premier athéisme moderne prétendait posséder les clés des maux humains. Ce qui empêchait l’avènement d’un monde parfait, c’était en général la religion elle-même. En se débarrassant de la religion, tout deviendrait mignon tout plein.

Un athéisme antérieur était connecté à Épicure et Lucrèce, athéisme de fuite. Il ne voulait pas solutionner les problèmes du monde. Il voulait simplement qu’on lui fiche la paix pour pouvoir profiter au maximum tant que cela durait. Lui aussi voulait échapper à la douleur autant que faire se peut. Tous ces discours sur le péché et la punition ne faisaient qu’aggraver les choses et provoquer des peurs inutiles. Mais l’athéisme d’aujourd’hui n’aspire à rien, sinon à clouer le bec des théistes, curieux désir quand on y pense.

L' »athée du village » est une figure perpétuelle dans la littérature moderne. C’est généralement une personne qui réfléchit un tant soit peu, un médecin, un professeur d’université, un coiffeur, ou un philanthrope. Il est trop intelligent pour se laisser abuser par les fables ou la signification supposée d’une vie pieuse. Souvent il est naturellement bienveillant, même si cela entre en conflit avec ses convictions. Il a de la pitié pour ceux qui sont moins doués. Cependant il a un peu de Lucifer, le plus intelligent des anges déchus. En effet ce lien entre l’intelligence et la sagesse intervient souvent dans la vie de l’athée du village ou son équivalent plus embourgeoisé des villes.

Ces considérations sont intéressantes pour les Catholiques. Le Catholicisme est une religion d’intellectuels. Ses héros sont Platon, Aristote, St Augustin, Thomas d’Aquin, Newman, Benoît XVI. Il n’excuse pas la stupidité en tant que telle. Il a franchement plaisir à présenter les arguments contre le Catholicisme de manière plus favorable que ne le font ses opposants à son égard. Chaque fois qu’est publié un nouveau livre qui présente l’athéisme comme la seule position tenable, on trouve très vite dix livres qui pointent les failles de cet argumentation athée. La première erreur, c’est que, logiquement, on ne peut « prouver » un négatif. On pourrait prouver que Dieu existe, mais on ne peut concevoir un argument « prouvant » qu’Il n’existe pas.
L’athée « sincère » fascine l’esprit religieux. L’athée « sincère » est digne d’éloge, semble-t-il. Il n’y a aucune faute de sa part s’il lui est impossible de voir les preuves de l’existence de Dieu. Il commence à sembler plus facile de sauver son âme si on est athée que si on est croyant.

Et pourtant, je pense que Queenie avait raison de se poser des questions. Il y a une espèce de gêne en raison de l’athéisme du promis (ou du fiancé, ou…. Wodehouse est très friand du mot « betrothed »). En gros, l’athéisme est une attitude dans la vie. Notre mode de vie ne découle pas de l’athéisme. C’est l’athéisme qui influe sur ce que nous aimerions vivre.

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James V. Schall, S.J., qui a été professeur àl’Université de Georgetown pendant trente-cinq ans est l’un des écrivains catholiques les plus prolifiques. Ses tout derniers livres: L’Esprit qui est Catholique et L’Age Moderne

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http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-qvillage-atheistq.html