L’assaut contre la langue de France - France Catholique
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L’assaut contre la langue de France

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Hier, Albert Salon, président d’Avenir de la langue française, m’a transmis un discours de Daniel Fasquelle : comme il a bien fait ! Non, l’accumulation des causes à défendre ne doit pas se traduire par la mise de côté de l’une des principales que je porte dans mon esprit et mon cœur ! Oui, la langue française est ma patrie la plus profonde et en laquelle je me confonds. C’est elle qui m’a détourné d’aller voir ailleurs si n’existaient pas des sonorités plus fortes, plus belles, plus expressives. Certes, j’aime entendre chanter en espagnol ou en italien. Je viens d’écouter, mes petits enfants étant de passage, les chants en japonais du dessin animé La Chorale : quel plaisir en effet et quel étonnement, sans pour autant que je ne trouve À la claire fontaine et bien d’autres vieilles mélodies, en concurrence avec Brel et Brassens, Robert Marcy1 et bien d’autres tout à fait irremplaçables pour moi. Pour moi, ce qui est une justification qui me suffit.

Mais il me faut avouer l’une de mes faiblesses : je commence à en avoir ras la casquette (que je ne porte pas) du répertoire actuel diffusé par l’ensemble des chaînes radio et télé, RCF y compris. 60 ou 65 % de chansons en anglais, à croire que c’est gagné pour cet idiome et perdu pour nous, une nouvelle fois. Insupportable. J’éteins l’instrument pour ne pas me laisser gagner par la colère. Les jeunes Français croient que seule cette langue existe et qu’elle seule peut leur « rapporter » gloire, monnaie, réputation d’excellence alors qu’en général, mettons à 80%, tout ce qui se diffuse est nul, prétentieux, criard, ressemblant à tout le reste malgré les cris d’admiration des commentateurs gavés de pots de vins sous forme de disquettes, de cédés ou de vieux vinyls…

Un député qui s’exprime en anglais au sein même du temple de la République qu’est le Palais Bourbon, voilà qui étonne ; que son discours vole en réalité au secours de la langue française, c’est encore plus surprenant ; qu’il énonce des vérités à la fois premières et nécessaires, cela surprend et interroge ; qu’il suggère des solutions pour que des étudiants étrangers, aussi bien francophones qu’appartenant à des zones linguistiques différentes, puissent venir se former en nos universités, fait beaucoup mieux encore que de susciter la plus vivante des attentions.

Daniel Fasquelle, agrégé de droit, fut élu député le 17 juin 2007 dans la circonscription du Pas-de-Calais (4e) et réélu en 2012. Il fait partie du groupe UMP de l’Assemblée nationale. Il a été vivement critiqué par la plupart des gros médias après, comme il fut rapporté, les « violences » verbales commises le 19 avril 2013 lors du débat ouvrant le droit au mariage des couples homosexuels. Il était excédé et je le comprends : je n’arrête pas moi-même de l’être au point que même le mot homosexuel devient l’équivalent de substance toxique. La présence des membres du couloir LGBT devient carrément excessive sur nos médias, à croire qu’il n’y a plus qu’eux, que le monde entier se résume à eux 2 ! Fasquelle avait donc été « sanctionné à l’unanimité » par la Conférence des présidents de groupe de l’Assemblée Nationale, ce qui était inévitable étant donné le courage qui règne aujourd’hui en nos instances nationales.

Il me faut encore noter, étant donné le sujet que j’aborde ici et une nouvelle fois, que Daniel Fasquelle a été l’un des rares députés UMP à avoir osé dénoncer le projet de décret de la ministre Valérie Pécresse concernant les enseignants-chercheurs, apportant ainsi son soutien à la mobilisation des universitaire en 2009 : elle-même tout à fait partisane de remplacer la langue française par l’autre. Si elle n’en a pas pris conscience, il convient de lui dire qu’elle a en partie mis sa carrière en jeu sur cette « faute » qui est aussi un crime. Elle tient ici en compagnie à Bernard Kouchner qui avait osé écrire que la France serait toujours la France même si elle parlait anglais : ce qui est une bourde monumentale, car la France est le fruit de sa langue, et cette langue développe des critères tout à fait différents de ceux de l’anglais ? Ce qui signifie que si la France se mettait à parler prioritairement l’anglais, elle cesserait naturellement d’être française. Ce qui n’arriverait pas si l’on apprenait aux jeunes à parler correctement le français puis l’espagnol, l’italien, l’allemand, le russe, le portugais à égalité avec l’anglais, devenu pour notre malheur la langue du dollar.

Nous élisons des gens qui siègent au Parlement de France mais à peine élus ils nous oublient et nous trahissent : que serait en effet ce peuple sans sa langue ? Une langue qui fut celle par laquelle il a vécu et témoigné de sa foi comme de son génie. Une langue qui lui permit de mettre au monde une véritable civilisation, aujourd’hui humiliée, maltraitée, rejetée par les fanatiques du tout anglais, qu’il vaudrait mieux dire du tout angloricain, au détriment de toutes les autres langues, notamment celles dont le rayonnement dépasse largement les seules limites des frontières d’États…

Bernanos avait raison quand il disait qu’il faudrait apprendre aux enfants de France que le plus grand siècle de notre histoire serait celui à venir : c’était pendant la guerre 39-45… Mais cela ne se pourra que lorsque nous aurons enfin compris qu’il faut changer le plus vite possible le personnel politique majoritaire au sein de nos institutions. Et donc cesser de donner notre confiance à ceux qui en abusent avec tant de constance.

J’entends ainsi des députés affirmer que ce qui a été fait avec la loi Taubira ne saurait être défait, comme si en politique existait le mot irréversible… Là aussi la civilisation est mise en péril au nom d’intérêts infimes où l’orgueil et le délire ont parti lié. J’entends également des députés dits de droite tenir des propos typiquement de gauche, comme pour tromper le destin…

Dérisoire et stupide d’être aussi médiocres, attentifs seulement à cela seul qui se comprend alors qu’il faut oser ce qui nous dépasse et nous enlève au-dessus de tous les horizons. Enfin, pour être bref, il y a l’intolérable habituel, l’acceptation du mal, la banale lâcheté du quotidien. C’est ainsi, pour prendre juste un exemple, que j’entends, des plus étouffants, un silence de mort régner dans les rangs de la représentation nationale alors que nos frères les plus proches, les chrétiens du Proche comme du Moyen Orient, sont persécutés au jour le jour, méprisés, poussés sans cesse vers la mort parfois, l’exil le plus souvent. Cette lâcheté extrême pour faire plaisir aux descendants des sans culotte et des guillotineurs ! J’entends bien d’autres bruits et silences, oppressants, qui forgent les chaînes du cauchemar.

J’entends aussi, il faut bien revenir à la triste réalité, notre pauvre et caricatural président louer son propre « courage » parce qu’il a su ne pas écouter la voix du peuple qu’il représente, alors que le vrai courage se trouvait dans les rangs des marcheurs qui furent, multitude, à multiples reprises, sur le sentier de la non-violence comme du cri pour tenter, en pure perte, de se faire entendre et d’arrêter la course à l’abîme. Autant frapper à une porte de pierre. Quel courage à n’oser pas dire non à des gens qui le tiennent en otage et exige la rançon de leur soutien ?

Et c’est ce même président qui approuve le projet de rejeter la langue de notre constitution afin d’adopter la rivale de toujours en vue d’enseigner des étrangers en anglais alors qu’ils sont venus chez nous afin d’y apprendre dans la langue de Molière les connaissances de leur choix (pour faire court) !

Et c’est pourquoi il convient d’écouter ce député réellement « courageux » s’élever contre le projet de loi de Madame Fioraso, dont le nom demeurera comme celui d’une traîtrise misérable et même enflée de bons sentiments envers les Français comme envers toute la francophonie.

Son discours commence donc curieusement en anglais avant de continuer en français :

Mister President, Ms. Geneviève Fioraso, Minister of higher education and research, Dear colleagues,

The section 2 of your bill project will permit the French universities to use English as a main language in lectures.

1. It’s a a total lack of confidence in our culture and our country.

To what extend shall we renounce to our own language ? To get your attention on that very important issue, I have decided to speak English this evening and my question is clearly « Shall we speak English in this French Parliament one day ? ». This does not seem impossible as Michel Serre explains it : « A language disappears when it can’t say it all. Then it virtually dies ».

By the way, do you realise what message you send to La Francophonie and the French-speaking world and to those who learn French in the non-French-speaking countries ?

Moreover, there no evidence that the use of English will really attract foreign students. Actually, several studies shows that it will damage the level of the universities.

Dear colleagues, we don’t have to follow the trend in favor of English but we have to promote our own langage. This our responsibility.

5. Je n’irai pas plus loin dans la langue de Shakespeare car je ne veux pas plus longtemps vous faire vivre ce que vont vivre malheureusement très bientôt un certain nombre d’étudiants qui, bien que parlant le français, vont devoir suivre dans nos universités des cours… en anglais ! Car ne nous y trompons pas, on ne créera pas, dans la plupart des cas deux groupes, un pour les francophones et un autre pour les autres. Au motif d’attirer des étudiants qui ne parlent pas français, on passera en réalité progressivement à l’anglais. Et sans limites, l’exception en faveur de la mise en œuvre des conventions internationales et européennes prévue par votre projet de loi est tellement large qu’elle permettra de faire basculer, en réalité, n’importe quel licence ou master dans une autre langue que le français.

Avec une triple menace pour nos universités, pour notre pays et pour notre langue.

6. Il faut dénoncer, en premier lieu, l’abaissement, inévitable, du niveau de nos universités. Toutes les enquêtes le montrent. L’Allemagne fait d’ailleurs aujourd’hui marche arrière et revient à l’Allemand pour cette raison.

7. On peut nourrir aussi des craintes pour le rayonnement de notre langue, de notre culture et donc de notre pays.

La politique est faite de symboles. A-t-on vraiment pris conscience du signal que l’on va envoyer dans le monde en direction de tous ceux qui aiment et défendent notre langue ? A-t-on vraiment compris que l’accès aux Universités française est une motivation très forte pour beaucoup de jeunes pour apprendre le français ? Comment défendre, d’un côté l’exception culturelle et, de l’autre, abandonner le français dans notre pays ?

8. Ce qui est en cause, plus fondamentalement encore, et c’est le troisième enjeu, c’est l’avenir de notre langue. Comme l’affirme Michel Serres, « une langue disparaît lorsqu’elle ne peut pas tout dire. Elle devient virtuellement morte ». Or, demain des équipes d’enseignants chercheurs vont enseigner mais aussi mener leurs recherches en anglais. Peu à peu nous allons donc perdre la capacité de penser l’avenir dans notre langue.

9. Sauf à accepter que la France et le français n’ont plus qu’une vocation régionale et marginale, il faut donc renoncer à l’article 2 du projet de loi qui, comme l’affirme Bernard Pivot « est lourd d’orages et de défaites ».

10. Et c’est à l’université de montrer l’exemple. Car, au-delà de nos établissements d’enseignement supérieur, le même raisonnement est à l’œuvre qui conduira, pour reprendre Bernard Pivot, aux même défaites. On chante de plus en plus et on commence à tourner nos films et à diriger nos entreprises en anglais. Il n’y a plus de limites.

11. Face à de telles menaces, existe-t-il une autre issue que cette capitulation que vous nous proposez ?

La réponse est oui.

Elle consiste à vouloir concilier mondialisation et défense de la langue et de la culture. Et cela passe par une volonté politique forte.

12. Cette ambition nouvelle doit s’exprimer, dans le domaine de l’enseignement, par une politique d’accueil des étudiants étrangers complètement repensée et renouvelée. Or, en offrant des cours en anglais, nous ne ferons qu’attirer les étudiants qui auront été refusés par les universités anglophones : on préfère toujours l’original à la copie. Pendant ce temps, est-on certain de tout mettre en œuvre pour accueillir les meilleurs étudiants des pays francophones ? Est-on suffisamment mobilisés pour inciter les étudiants des pays non-francophones à apprendre notre langue ? S’est-on vraiment posé la question de savoir si les freins à l’accueil des étudiants étrangers n’étaient pas ailleurs que dans la barrière de la langue ?

Améliorer l’attractivité de nos universités suppose une réflexion préalable et approfondie sur le sujet loin des procès en ringardise qu’on ne manque pas de brandir ici ou là. Cela implique aussi et surtout une volonté politique forte, française et européenne.

À ce sujet, on peut s’étonner de ce que l’Europe consacre aussi peu de moyens à l’apprentissage d’une autre langue, créant de ce fait un espace propice au développement exclusif de l’anglais alors que, comme le dit fort justement Umberto Eco, la langue de l’Europe, c’est la traduction.

On le voit, le débat qui s’est engagé est essentiel car il en va non seulement de la qualité de nos enseignements mais aussi de l’avenir de notre langue et, finalement, de bien plus car, comme le disait Albert Camus, « oui j’ai une patrie, c’est la langue française ».

Il peut être salutaire s’il permet une urgente prise de conscience.

Le premier acte fort passe par le renoncement à l’article 2 du projet de loi sur l’enseignement et la recherche.

Mes chers collègues, je compte sur vous pour réagir et marquer, à l’occasion de ce projet de loi, le point de départ d’une politique ambitieuse pour nos universités, pour notre langue et pour notre pays !

Merci, Monsieur Daniel Fasquelle, vous avez dit l’essentiel devant des parlementaires toujours à convaincre alors qu’ils devraient tous, sans exception, penser de même que vous mais qui écoutent davantage ou trop souvent leurs propres intérêts plutôt que ceux du peuple qui les a fait rois.

Comment réveiller les Français ? Hélas, n’existe pas pour l’instant en faveur de notre langue l’équivalent de la Manif pour tous qui défend avec ardeur l’avenir de nos familles et de nos enfants. Mais, pourriez-vous répondre, lecteur, que défendre et illustrer et promouvoir notre langue partout dans le monde c’est aussi rendre plus lumineux et plus sûr cet avenir, notre souci.

  1. On lui doit les immortelles « File la laine », « La Queue du chat » et « Tu viens à moi du fond de ta jeunesse »… Découvrir son œuvre de chansonnier dans le recueil publié par les Cahiers Bleus (sur www.parvis-des-alliances.com).
  2. J’ai dit sur le cas des homosexuels tout ce que j’avais à dire, notamment sur les souffrances qui leur sont propres et lesquelles n’effacent pas celles propres aux autres humains. Mais il est possible de compatir sans pour autant accepter n’importe quelle réforme imposée comme un dictat.