Le rôle exact de Sant’Egidio n’avait pas fait à ce jour l’objet d’une étude aussi complète : dix chapitres, dix expériences différentes (Mozambique, Algérie, Guatemala, Burundi, Albanie, Kosovo, Liberia, Côte d’Ivoire, SIDA, peine de mort), sur vingt années, racontées par les acteurs eux-mêmes, qui prouvent s’il en était besoin qu’il n’y a pas de « méthode », de « modèle », ni de « doctrine » Sant’Egidio, mais un simple témoignage de vie, comme dans les Evangiles synoptiques, ou les Actes des Apôtres. C’est le ton de ce livre. Les quelques « médiateurs » romains de la communauté de Trastevere – car c’est avant tout et toujours une « communauté » catholique romaine – sont comme les apôtres qui se déploient à travers le monde des crises et des guerres, chacun selon son charisme propre. Ce sont eux, ces « instruments de paix » chers à St François d’Assise, qui racontent par le menu leurs interventions auprès de ces Ephésiens ou Colossiens modernes. Ils utilisent les mêmes armes que les apôtres, celles de la « force faible », définie ici comme « une conviction spirituelle qui, malgré son évident désarmement et son manque de moyens matériels puissants, se révèle efficace tirant sa force de son caractère d’altruisme gratuit et de détachement par rapport à tout intérêt partisan. »
Certes le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Parfois le travail de fond de Sant’Egidio est battu en brèche par l’intervention d’une grande puissance, comme au Kosovo où son protégé pacifique, Rugova, est marginalisé par les Etats-Unis qui font le choix de la branche militaire avec Thaçi. On discerne également les réserves de la communauté vis-à-vis de l’absolutisation d’une justice internationale qui, si elle combat à juste titre l’impunité, ne fait pas suffisamment sa part au pardon des offenses. Les succès mozambicain et burundais furent largement dus au choix de la pacification contre la « criminalisation ». Le modèle sud-africain (« vérité et réconciliation ») a joué, par opposition à celui de la Cour Pénale internationale.
L’exemple algérien pourrait servir de référence aux tentatives actuelles de regroupement de l’opposition « civile » en Syrie. Ici comme alors (et comme au Kosovo), il s’agit de rejeter un « pacte entre faucons », entre combattants islamistes et un clan « éradicateur » de l’armée, « menant à l’exclusion des forces démocratiques et laïques et à la mise en place d’une dictature militaro-islamiste ».
Ni diplomatie des « papis », ni diplomatie papale, bénéficiant à l’occasion de soutiens intéressés au sein des diplomaties italienne ou française, favorisée par tel ou tel évêque de terrain (avec la dimension intereligieuse d’Assise), ou personnalité d’exception (comme l’ex-président tanzanien Nyerere, en procès de béatification), Sant’Egidio est une grande leçon de catholicisme laïque (même si certains de ses membres sont ordonnés et même consacrés) et une belle aventure spirituelle au temps de la mondialisation qui fait de chaque homme, même le plus lointain, notre prochain.
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« L’Art de la Paix. La communauté de Sant’Egidio sur la scène internationale », sous la direction de Roberto Morozzo Della Rocca, Editions Salvator.
http://www.santegidio.org/pageID/73/id/249/L_art_de_la_paix_La_communaut_de_Sant__Egidio_sur_la_scne_internationale.html
http://www.editions-salvator.com/A-22088-l-art-de-la-paix-la-communaute-de-sant-egidio-sur-la-scene-internationale.aspx
Pour aller plus loin :
- RICCARDI N’EST PAS FRANÇAIS
- Kosovo, une chrétienté en péril
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX