Un des événements les plus remarquables de l’Église a eu lieu après le synode extraordinaire clôturé le 18 octobre. Le 20 octobre, l’archevêque de Philadelphie, Mgr Charles J. Chaput, a donné la conférence annuelle Erasmus pour le magazine First Things à New York. Les commentaires de la presse ont été presqu’entièrement centrés sur une remarque que l’archevêque fit en passant, lors des réponses aux questions, au sujet de la confusion qui émergea du Synode. Mais ne perdez pas votre temps sur ce détail trompeur. Ce qui était vraiment important, vraiment marquant, était l’exposé lui-même.
First Things le communiquera en temps utile. Pour le moment vous pouvez le visionner ici. (Moi-même j’ai dû le faire — je n’étais pas à New York mais en route entre le Synode et une conférence que je donnais à Aquinas College à Nashville, c’est un sujet pour une autre fois). Cela en vaut la peine parce que le bon Archevêque résume habilement, et offre des remèdes, pour la difficile situation que nous vivons en tant que croyant. C’est d’un simple réalisme pour nous tous, et plus particulièrement pour les futurs prêtres, que d’être préparé à une culture qui, dans le quart de siècle à venir, sera « dramatiquement différente et beaucoup plus inamicale » que l’actuelle. Nous serons — et en grande partie sommes déjà — « des étrangers en terre étrangère ».
Ne pensez pas que Mgr Chaput est tout à fait pessimiste et désespéré. C’est tout le contraire. Il parle calmement et clairement, mais aussi avec conviction et optimisme. Comme je l’écoutais, je me rappelais du conseil de la Vierge Marie au roi Alfred avant la bataille dans The Ballad of the White Horse de Chesterton :
Je ne vous dis rien pour votre confort
Oui, rien pour votre désir
Sauf que le ciel devient déjà plus sombre
Et la mer monte plus haut
.
La nuit sera trois fois nuit sur vous
Et le ciel une chape de fer
Avez vous de la joie sans raison
Oui, de la foi sans espoir ?
Il y a toujours de l’espoir — mais pas de la manière simpliste qui cherche vainement la consolation dans un optimiste irréaliste. Pour Mgr Chaput, notre espoir repose précisément dans notre foi. Nous devons être un peuple d’adoration en premier, et d’action ensuite. Ce qu’il signifie est que la simple action, déconnectée du créateur, n’est pas un service véritable. C’est lorsque nous sortons pour aimer et rendre service à notre voisin — comme nous devons le faire — en raison de nôtre amour pour Dieu que nous faisons réellement quelque chose. Humilité et santé mentale coulent de cette source profonde.
Il est impossible de résumer cette riche présentation dans un espace limité, mais peut-être pouvons nous évoquer les éléments centraux, qui incluent un large survol de l’histoire récente du Catholicisme, qui nous posent deux grandes questions.
D’une part, nous ne pouvons pas être ni agir comme nous le devrions à moins de nous débarrasser de notre culture folle et de plus en plus menaçante. Certains caractérisent ceci comme « l’option Bénédictine », le retrait du monde vers des communautés à vocation chrétienne ou des enclaves de type monastique de diverses sortes. Une vocation appropriée à ceux ainsi appelés; et pour nous tous, d’une manière ou d’une autre, il est nécessaire de trouver un lieu de refuge et d’encouragement, à commencer par la paroisse.
D’un autre côté, ceci n’a jamais été la plénitude de l’idéal catholique, car la mission de l’Eglise est d’être dans le monde, et non du monde, pour évangéliser – et racheter – le monde. Les premiers Chrétiens savaient qu’ils vivaient dans une culture hostile et devaient agir en conséquence. Pendant longtemps, les Catholiques en Amérique comprirent quelque chose de similaire, bien que Mgr Chaput exprime son admiration pour la tension fructueuse entre la perspective biblique et les idées des Lumières qui ont existé pendant des années dans notre histoire.
La partie biblique – une création protestante qui a aussi hébergé les Catholiques – a cependant été chassée de la place publique, ce qui fait que « les chrétiens se sentent maintenant comme des étrangers dépaysés dans leur pays natal ». Mgr Chaput estime que cet état de choses n’était ni naturel ni inévitable, mais avait été mis promu par des activistes qui se sont reconvertis dans la politique, les médias, l’éducation supérieure et la justice, et qui ont gagné.
Les catholiques, en tant qu’outsiders, ont désiré depuis longtemps d’être accepté par les courants dominants. Pour trop d’entre nous, cela signifiait que nous prétendions être catholiques, peut-être allions nous à la messe, mais que nous n’avions pas vraiment la foi. Pour Mgr Chaput, c’est pour cela que nous n’avons pas transmis de façon convaincante ces croyances à une autre génération. La perte de notre sens d’être des étrangers est très grave pour nous, mais c’est encore plus grave que nos enfants et petits enfants n’aient pas un tel sens.
En tant qu’archevêque, Mgr Chaput reconnaît aussi la responsabilité des évêques pour notre condition — en particulier en ce qui concerne les errements et les maladresses commises lors de la crise des abus sexuels. Quelques années avant que cette crise éclate en 2002, il était encore possible de penser à une « période catholique », une possible grande avancée des catholiques en Amérique (en référence avec la phrase de Richard John Neuhaus). Mais cette opportunité à été perdue.
Mais maintenant, que doit-on faire en ce domaine ? La crise rapide du mouvement du mariage gay est un « signe d’une portée exceptionnellement forte » de l’exclusion de la place publique non seulement de la perspective biblique mais aussi de la raison et des débats publics. La mission de la foi et de la raison devient donc plus urgente que jamais. Nous devrions remercier le Seigneur pour cette crise , dit Mgr Chaput, car elle exige que l’Eglise et les individus se purifient maintenant que la nature de l’opposition a été clarifiée.
De multiples mouvements de renouveaux se font jour dans le pays et à travers le monde entier. Nous devrons faire face à une forte résistance, peut-être nous aurons des pénalités légales et financières. Mais pour pouvoir réussir maintenant , nous devrons affronter ces défis et développer vraiment de nouvelles initiatives et des arguments efficaces, et non s’accrocher à de vieux schémas et programmes qui ont été développés pour traiter une situation différente. Quand des personnes croient réellement et agissent conformément à leur foi, ils font germer toute la société. Autrement « la religion n’est qu’une autre forme d’automédication ».
Il faut une proposition radicale. Par Comparaison, dit Mgr Chaput, le livre Rules for Radicals de Saul Alinsky, — un des auteurs favoris de certains dans la classe dirigeante — est juste « Machiavel pour personnes ayant une vision limitée ». Ce n’est pas radical, c’est simplement le même empoignade lassante pour le pouvoir.
L’Evangile est radical. Les Béatitudes sont radicales. Et si nous sommes attaqués pour cela, nous devrions être heureux : « car ainsi des hommes ont persécuté les prophètes qui vous ont précédés ».
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Robert royal est rédacteur en chef du « the catholic Thing » , et président de « the Faith & Reason Institute » à Washington. Son livre le plus récent est : « The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustainsthe West » , maintenant disponible broché chez « Encounter Books ».
http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/archbishop-chaput-and-we-aliens.html
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Les commentaires de lecteurs de Brunor sur Amazon
- Catholiques, on ne veut pas de vous dans l'État de New York
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies