L'araignée qui chante - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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L’araignée qui chante

Philippe Ariño est un intellectuel catholique spécialiste et expression d'une certaine culture homosexuelle. Son blog érudit, « L'Araignée du Désert » et ses ouvrages montrent les innombrables facettes de cette culture dans la littérature, le théâtre, le cinéma… Ses deux derniers livres, L'homosexualité en vérité et L'homophobie en vérité, ont eu un vif succès dans le cadre des débats suscités par La Manif pour Tous et le mouvement des Veilleurs. Aujourd'hui, Philippe Ariño, revient sur le devant de la scène avec un nouveau mode d'expression dont nous nous faisons les partenaires. Son album Boulet de Canon, vient en effet de sortir. Il s'agit de chansons populaires, et même de chansonnettes. Mais il ne faut pas trop se fier à la légèreté du ton. L'expérience est intéressante. Ce canon bien affûté est prêt à lancer des bombes… d’Amour ! Il est composé de onze chansons pop : quasiment toutes sont à thématique catholique. Il bénéficie d'un vidéo-clip sur YouTube. Les arrangements sont de Jean-Charles Wintrebert ; les paroles et la musique, de Philippe Ariño. Nous vous l'offrons dans le cadre d'un partenariat avec la Fondation Radio Espérance. Rien ne vous interdit de l'acheter sur Internet ou en magasins et de l'offrir ni de faire venir Philippe Ariño pour une conférence-débat, dédicace, tour de chant...
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À quel public s’adressent vos chansons ?

Je voulais un album très populaire. Avec des chansons originales mais faciles à retenir Je n’ai pas d’appétence pour les répertoires élitistes, déconnectés de ce que vivent les gens ! Boulet de Canon se veut éminemment politique, dans le sens noble du terme. Il aborde des sujets relativement tabous : la trahison amicale avec Barabbas, la « pauf’type attitude » avec Boulet, l’absoluité de la Révélation divine dans l’Église avec Catholicisme Meilleur Chemin de Vérité, l’homophobie avec Anti-homophobie, etc. Au fond, c’est un album qui s’adresse à tous ceux qui se reconnaissent dans l’esprit des Veilleurs.

D’ailleurs, la chanson Veilleur je suis là (à l’adresse du rapporteur officiel de la loi Taubira, le député PS Erwann Binet) est ma fierté : je ne pensais pas que j’arriverais en une seule phrase (« Pour un enfant = une maman, deux papas : dans quel délire t’es parti là ? ») à résumer une loi qui est si complexe à expliquer !

Qu’est-ce qui fait la différence entre votre album et ce qui se fait déjà dans l’univers de la chanson pop chrétienne ?

Très peu de chansons du répertoire français traitent ouvertement et en vérité de la conjonction entre la foi et la sexualité, ou bien entre la foi et la politique. Le petit monde de la chanson catho, encore moins : il a tendance à sombrer dans le kitsch à la sauce « djeunes rebelles sentimentaux » (pâles copies du groupe Kyo), dans la « pop louange » parfois mièvre. Personnellement, le chanteur qui prie Dieu devant moi en concert et qui raconte ses sensations mystiques (« Oui, Esprit Saint, coule en moi !!! »), je trouve ça plutôt insupportable. Boulet de Canon n’est pas tellement un album sage, formaté pour l’animation de veillées de prière de jeunes. C’est plutôt un disque à dimension universelle (donc 100 % catholique, en fait !), qui s’adresse à tous et notamment aux gens athées qui n’auraient jamais écouté de la chanson religieuse parce qu’elle les aurait « saoulés » de bons sentiments au bout de deux secondes. Il voudrait donner à réfléchir sur la place du catholicisme dans notre société.

Vous ne mâchez pas vos mots dans certaines paroles de chansons. N’avez-vous pas peur que ça fasse fuir Mamie ou Marie-Hermance de La Tour ?

Qui vous dit que Mamie ou Marie-Hermance ne sont pas des révolutionnaires cachées, bien moins coincées et complexées que les lolitas bobos cathos ou les Bridget Jones décervelées que notre société libertaire engendre ? Surtout depuis l’année 2012-2013 avec les Manifs pour tous, je constate que ce sont les femmes qu’on disait de droite, de bonne famille, rigides et naïves, qui finalement s’engagent avec zèle, courage et humour, pour la défense de nos valeurs et du bien commun. Et je mets ma main à couper qu’elles, leur mari et leurs enfants, vont kiffer grave leur race mon album… pardon… vont l’écouter en boucle et en famille !

De même, je pense que beaucoup de cathos et de personnes en quête de spiritualité sont en attente d’un discours artistique catholique clair et « fun » à la fois, sans langue de bois, un peu borderline mais pas trop (« périphérique » comme dirait le pape François). Mon album constitue un compromis entre audace et contrôle, humour et Vérité. Il a essayé d’être de la veine d’un saint Paul : « Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire » (Deuxième Lettre à Timothée, IV, 1-2). J’ai conscience qu’il manquera pour certains de poésie, mais j’en avais marre des chansons cathos noyées dans la métaphore guimauve (de la lumière, de l’eau, de la montagne et des petites fleurs). Boulet de Canon sera peut-être en France un des premiers disques catholiques « politiques ». Je souhaitais vraiment créer des chansons-catéchèse qui nous aident à énoncer ce que même de bons cathos pratiquants n’osent pas souvent dire, par peur de « juger » : par exemple, avec la chanson Catholicisme Meilleur Chemin de Vérité. Je me suis lancé dans l’aventure de cet album parce que j’avais des convictions fortes à défendre. Sinon, je me serais abstenu (j’ai adopté exactement la même démarche avec mes livres). Le credo de Julien Clerc À quoi sert une chanson si elle est désarmée ? est plus que jamais le mien.

Comment cet album s’est-il construit ?

C’est surtout un album d’amis. Je ne peux pas travailler correctement en dehors de l’amitié et de la rigolade. Sinon, je perds pied et me décourage très vite. Ce n’est pas un hasard si les passages musicaux que je préfère dans mon album, ce sont précisément ceux où les chœurs chantent avec moi les contre-chants, où je suis en duo avec la comédienne Marie Lussignol (la star catho montante actuelle, qui joue en ce moment le rôle de sainte Thérèse de Lisieux), ou bien les rares fois où Jean-Charles Wintrebert intervient. Là, je fonds ! La fraternité me fait littéralement craquer.

Je crois également à la communion des artistes. Par certains aspects, elle a la force de la Communion des Saints. C’est ce que j’ai vécu immédiatement avec tous les amis qui ont participé à l’élaboration de l’album. Ça ne s’explique pas vraiment, cette « reconnaissance mutuelle d’exceptionnalité et de Mission », mais c’est là et c’est évident !

Il y a aussi eu le Réel et le temps (un peu plus d’une année) qui m’ont été d’une aide précieuse pour faire cet album. J’ai énormément marché à pied. Je me rendais au studio d’enregistrement de J.-C. Wintrebert, et je ne compte plus les fois où j’ai traversé tout Paris d’Est en Ouest. Pendant le trajet, je chauffais ma voix, chantais fort en longeant les quais de Seine. On peut dire que mon album est le fruit de beaucoup de kilomètres et de prières. Je compte plus que tout sur le pouvoir créateur et consolateur de la marche.

Êtes-vous musicien ?

À la base, pas du tout. Comme je n’ai quasiment aucune notion de solfège, j’ai conçu au départ mon album avec un simple dictaphone et au feeling. J’ai cependant la chance de posséder, depuis tout petit, une bonne oreille musicale, un bon sens de la mélodie et du rythme. J.-C. Wintrebert a complété cela avec son talent d’arrangeur. Il a su m’écouter. C’est exactement le frère qu’il me fallait pour vivre cette aventure.

Quelles sont vos influences musicales ?

Ça ratisse large ! C’est surtout ma famille proche qui m’a formé l’oreille. On chantait beaucoup à la maison, en voyage, à la messe. Donc en gros les chanteurs que mes parents ou mes quatre frères et sœurs écoutaient ont été mes baby-sitters parallèles !

Mon papa m’a fait connaître le chant choral et Las Habaneras, ma mère Jacques Brel et Joe Dassin, mon grand frère Jeanne Mas et Juan Luis Guerra, ma grande sœur Johnny Clegg et Sting, ma seconde grande sœur Genesis et Jean-Jacques Goldman, mon frère jumeau Noa et les Celtas Cortos, mon cousin Michel Berger et Pascal Obispo. D’ailleurs, il y a une chanson de l’album, Barabbas, qui a été écrite et composée par ce même cousin, Judicaël, un grand mélodiste à mes yeux (je veux dire : à mes oreilles !).

Certaines personnes, en écoutant l’album, pourraient se dire au mieux que vous êtes une sorte de nouvel Étienne Daho catho, au pire que vous auriez mieux fait de vous en tenir à l’écriture… Ne craignez-vous pas que le mélange des genres entre votre parcours d’intellectuel et votre carrière naissante de chanteur vous fasse passer pour un touche-à-tout qui « fait tout mal à force de vouloir tout faire » et de se rendre intéressant ?

Tout d’abord, je rappelle qu’il n’existe pas de frontière étanche entre art et raison : nous ne sommes pas mono-tâche, et nos talents se conjuguent bien plus souvent qu’on ne l’imagine. Et d’autre part, si vous regardez bien les seuls chanteurs qui ont marqué les esprits dans l’histoire de la musique française, ce sont bien plus que de bons exécutants vocaux ou instrumentaux. Ce sont surtout des intellectuels-philosophes ! Pensez à Daniel Balavoine, Jacques Brel, Serge Gainsbourg, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, Michel Berger, Georges Brassens, Julien Clerc, Laurent Voulzy…

On oublie très vite les starlettes qui n’ont pas fait bouger le monde avec leurs chansonnettes sans idées, ou qui se sont cantonnées à la performance vocale. C’est peut-être même parce que j’ai d’abord été connu publiquement en tant qu’intellectuel que je peux à présent me permettre d’avancer sans honte en tant que chanteur !

Alors bien sûr, il ne faut pas se voiler la face, j’ai conscience que je n’ai pas la Voix du Siècle, et qu’en passant dans The Voice, on m’aurait sans doute éjecté dès le premier tour ! Mais ce qui me rassure, c’est que, s’ils avaient tenté ce concours de voix, Étienne Daho, Michel Berger, Alain Souchon, Marc Lavoine, Renaud, voire même Jean-Jacques Goldman, auraient certainement été aussi recalés ! Il est temps qu’on refasse place aux chanteurs avec personnalité plutôt qu’aux chanteurs avec admirables cordes vocales mais qui sonnent comme des coquilles vides. Certes, l’un n’empêche pas l’autre, et les deux réunis c’est encore mieux.

Mais à choisir, je préfère une jolie chanson d’Axelle Red bien arrangée et bien engagée (même si elle est vocalement discutable et perfectible) qu’une chanson sans âme chantée par Céline Dion ou Rihanna…

J.-C. Wintrebert, quelques jours avant la finalisation de l’album, m’a exprimé sa frustration « émerveillée » à mon égard : « J’ose même pas imaginer ce qu’aurait été ta carrière de chanteur si t’avais eu une grande voix… Là, tu aurais tout raflé ! » J’ai pris ça pour un beau compliment !

N’avez-vous pas peur de pâtir de la réputation de votre première chanson-délire C’est bien gentil, sortie en janvier 2013, et qui avait reçu un accueil à la fois massif et mitigé, parfois même cruel ?

Il fallait un « bulldozer » comme C’est bien gentil pour me sortir de mon carcan d’intellectuel. Maintenant que la voie est ouverte avec ce galop d’essai un peu cheap et sans prétention, mon nouvel album ne pourra que surprendre positivement tout le monde ! Malgré ses défauts, cette chanson est un cadeau que je ne renierai jamais, et pour lequel j’ai toujours beaucoup de tendresse. En plus, je remarque que ce sont les gens les plus simples (les étrangers et les enfants en particulier) qui l’aiment. Alors raison de plus pour continuer à la chérir ! J’ai l’habitude, dans mon quotidien, de pratiquer sans cesse l’autodérision. Je crois que c’est la meilleure manière de mettre à l’aise tout le monde et de s’aimer/d’aimer. L’autodérision n’est pas la négligence ou le cynisme. Elle permet de faire passer plein de vérités avec la Charité qu’il faut.

Parlez-nous de votre album plus en détail. Quels sont vos coups de cœur ?

C’est un album qui va tous azimuts. Il n’a pas de style précis. Il y en a pour tous les goûts ! On passe de la ballade au piano (Veilleur, je suis là) à la musique tribale (L’Araignée), en continuant avec le rock (La Chanson du Laïciste), le chant choral (Prêtres), la musique world-moyenâgeuse (Saint Antoine de Padoue), en finissant avec le reggae-jazz (Catholicisme Meilleur Chemin de Vérité). Vous y trouverez même un Benedicite pour bénir la table ! Je voulais vraiment d’un album varié, qui n’ennuie pas. J’ai un petit faible pour La Chanson du Laïciste, Catholicisme Meilleur Chemin de Vérité et De te louer (la seule chanson louange de la liste : un disque catho sans l’émerveillement, ça m’aurait moralement posé problème…).

Quel est le moment que vous avez préféré lors de l’élaboration de votre album ?

Il y en a tellement ! C’est difficile de dire. J’en relèverai deux. D’abord, l’enregistrement des chœurs féminins de La Chanson du Laïciste. J’ai senti chez les quatre choristes (Faustine Aubas, Marie-Véronique, Cerise et Sandy Louis) qui découvraient la chanson en même temps qu’elles l’interprétaient une excitation d’impertinence et un tressaillement de joie qui m’ont ravi le cœur. Autre moment mémorable : quand J.-C. Wintrebert a trouvé les premiers arrangements des chansons De te louer, Boulet et L’Araignée, et qu’il s’est mis à montrer son impatience de les finaliser, à croire avec moi qu’elles étaient effectivement vraiment bien !

Que peut-on vous souhaiter de mieux pour la suite  ?

Que les clip Veilleur, je suis là « buzze » un peu plus sur Youtube, que l’album tourne sur un maximum de platines, dans un maximum de voitures, de maisons, de têtes et de cœurs, et pourquoi pas dans les radios (j’ai toujours cru aux miracles).

Je suis très fier du travail des deux réalisateurs du clip Veilleur, je suis là, Pierre-Hélie de Peretti et Jean-Sébastien Poüs, ainsi que de la jaquette de l’album. Et pour ce qui est de mes rêves les plus fous, je me vois carrément présenter un nouveau concept de télé-crochet, un The Voice Catho, aux côtés de « coachs » tels que Grégory Turpin, Marie Lussignol, le père François Labadens, Thomas Pouzin (Glorious) ou Claire-Marie Systchenko (comédie musicale Chambre 113). On peut rêver… et la Providence se charge toujours du reste !

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