Je suppose que la très grande majorité des gens qui ont jamais vécu, ont cru en une vie après la mort, d’une manière ou d’une autre. Cette vie après la mort à laquelle ils croyaient, il se peut qu’elle n’ait pas été heureuse. Par exemple, les chrétiens, et d’autres, ont cru en un lieu absolument misérable où beaucoup d’entre nous (mais pas tous) seront punis de leurs péchés. Les Grecs du temps d’Homère croyaient en un monde sombre et souterrain où presque tout le monde irait : non pas un lieu de punition, mais simplement un endroit où les esprits des morts résideraient après la fin de leur vie terrestre. L’ombre d’Achille donne à l’Odyssée quelque idée de la misère de l’Hadès quand elle lui dit, « J’aimerais mieux être un domestique dans la maison de l’homme le plus pauvre de la terre, que d’être un roi dans le monde d’en-bas. »
Les chrétiens croyaient que certains d’entre nous (les mauvais) iraient en enfer tandis que d’autres parmi nous (les bons) iraient au paradis. Mais dans l’Amérique moderne, pour autant que je sache, il n’y a pas beaucoup de gens qui croient à l’enfer. Souvent, dans les journaux, je lis des rubriques nécrologiques qui disent quelque chose comme : « Mercredi de cette semaine, Mr John Doe, résident depuis longtemps dans cette ville, a rejoint Jésus ». Je ne lis jamais ceci : « Lundi de cette semaine, Mary Roe, une personne d’ici qui n’était pas meilleure qu’elle ne le devait, est allée vivre avec Satan et d’autres esprits mauvais. »
Et ceux qui croient à l’enfer ne pensent pas qu’il y ait grand monde dedans. Hitler et Staline y sont peut-être, et peut-être Charles Manson et Attila, le Hun. Mais pas beaucoup d’autres. Les Américains semblent majoritairement universalistes. Nous trouvons difficile de croire que Dieu, qui est une mec vraiment sympa, pourrait avoir le cœur assez dur pour condamner quiconque à une punition éternelle.
Parfois, j’ai pensé que, quand je mourrai et approcherai du jugement dernier, si j’apprends que Hitler et Staline ont gagné une entrée au Paradis grâce à l’infinie miséricorde de Dieu, je crierai « ce n’est pas juste » et refuserai de passer les grilles célestes. J’aime que Dieu soit miséricordieux, mais quand même pas à ce point !
Dans notre époque de scepticisme, bien des gens ne croient pas à une vie après la vie. Quand on est mort, assurent-ils, on est mort. C’est la fin de l’histoire. Mais comment est-ce possible ? Comment peuvent-ils être en désaccord avec l’opinion ancienne et quasi-universelle de nos frères humains que nos âmes (ou nos esprits) continuent à vivre après la mort physique ?
Une des raisons qu’ils proposent pour justifier leur incrédulité est que ce monde, le monde des objets matériels, des atomes et des molécules et des étoiles et des planètes, est le seul monde qui existe ; et si l’on est mort à ce monde seul et unique, on n’existe plus. Ceci me semble une croyance absurde. Parmi les milliards de milliards de milliards de mondes possibles, pourquoi n’en existerait-il qu’un seul, celui où nous vivons par hasard ? Que notre univers soit unique, qu’il n’y ait aucun autre univers, matériel ou non – peut-il y avoir quelque chose de plus improbable ?
Une autre raison que proposent ceux qui ne croient pas en une vie après la vie, c’est qu’une telle croyance est tout simplement un vœu pieux. Bien sûr, nous aimerions penser que nous vivrons après notre mort, et qui plus est, nous aimerions penser que nos amis et les membres de notre famille vivront après la mort. Et nous aimerions penser qu’Abraham Lincoln et Elvis presley vivent après la mort. De tels souhaits sont bien naturels, comme le souhait de gagner à la loterie. Mais ce ne sont que des souhaits. Rien de plus.
Mais les souhaits deviennent souvent réalité. J’ai souhaité avoir de la nourriture à manger, une maison à habiter, une femme avec laquelle vivre, de l’argent dans mon compte en banque – et beaucoup d’autres choses. Et ces souhaits sont devenus réalité. Pourquoi mon souhait de vivre après ma mort ne se réaliserait-il pas aussi ?
Il me semble que l’argument le plus solide contre la survie, c’est que les morts ne prennent jamais contact avec nous. Au fil des années, j’ai moi-même perdu beaucoup de personnes qui m’étaient très chères : mes grand parents, ma mère et mon père, ma sœur, et quelques-uns de mes meilleurs amis. Mais il n’y en a pas un seul qui m’ait contacté après sa mort. Est-ce qu’ils n’auraient pas pu entrer en contact pour m’assurer qu’ils allaient bien ? Est-ce qu’ils ne pourraient pas de temps en temps me proposer un conseil et me guider ? Est-ce qu’ils ne devraient pas essayer de me pousser vers le bien ou me retenir si je dérive vers le mal ?
Toutefois, qui peut être certain qu’ils ne le font pas ? Au-dessous du niveau de notre pensée consciente, nous avons des pensées inconscientes. Et sous le niveau de mon inconscient personnel, il se peut (comme l’a suggéré un jour William James) qu’il y ait un inconscient impersonnel. Ceux de ma famille et de mes amis qui sont morts ne me « parlent » sans doute pas au niveau de mon esprit conscient, mais pourquoi ne le feraient-ils pas au niveau de l’inconscient ?
Beaucoup d’autres choses se passent au niveau de l’inconscient. Pas seulement des craintes freudiennes et des désirs, mais toutes sortes de créativités – artistiques, scientifiques, mathématiques, politiques, commerciales. L’autre jour, je lisais que Mark Twain, dans sa conviction qu’un roman s’écrirait tout seul (si l’on peut dire) a fait de longues interruptions quand il a écrit Huckleberry Finn . Finalement, son inconscient créatif a donné naissance à un classique littéraire.
Si l’inconscient de quelqu’un peut écrire de la poésie, peindre des tableaux, résoudre des énigmes scientifiques et mathématiques, etc., pourquoi ne serait-ce pas le lieu où nous recevons des messages du grand au-delà ? À ce titre, pourquoi Dieu ne pourrait-il lui-même parler à notre inconscient ?
Je réalise bien que c’est une hypothèse dangereuse. Car les fous et les fanatiques se sont souvent imaginé qu’ils entendaient des voix. Mais quand même, l’hypothèse peut être vraie. Peut-être entendons-nous vraiment des voix – celle de Dieu, comprise, c’est très possible. En tous cas, je ne sais pas comment évacuer cette hypothèse. Dieu, et d’autres esprits peuvent être plus près qu’on ne le croit.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/05/18/the-afterlife/