À la veille de la grande manifestation de Quimper, les évêques de Bretagne (Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, Mgr Raymond Centène, évêque de Vannes, Mgr Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, Mgr Jean-Marie Le Vert, évêque de Quimper et Léon) ont publié un communiqué commun sur la crise agroalimentaire qui soulève en ce moment la colère des Bretons. On a surtout retenu de ce texte sa mise en garde contre la violence que beaucoup redoutaient et qui s’est d’ailleurs, partiellement, déployée à la marge du rassemblement du 2 novembre. Il est dans la mission des pasteurs de protéger leur peuple des tentations de débordement qui risquent d’aboutir à des extrémités regrettables. Mais ces mêmes pasteurs sont aussi garants du bien commun, qu’ils servent comme des veilleurs, de leur point de vue supérieur qui n’est pas celui des politiques mais des spirituels. Saint Paul n’a-t-il pas l’audace de prétendre que « l’homme spirituel juge de tout », car il connaît « la pensée du Seigneur » (1 Cor 2,15). Cette autorité spécifique détermine une souveraine indépendance mais elle implique aussi un soin jaloux du peuple confié aux évêques.
La grave crise que vit la Bretagne n’est nullement indifférente aux pasteurs de cette région si marquée, dans sa personnalité originale, par le christianisme. Ils en parlent en termes tout à fait précis dans leur communiqué : « Des milliers d’emplois ont été supprimés et des plans sociaux sont à venir. La logique industrielle développée dans les années soixante est frappée de plein fouet par l’ouverture des marchés. Les filières sont ébranlées par les pressions de la grande distribution, la fluctuation des matières premières et la concurrence européenne. » Les évêques ne se résignent pas aux mécanismes brutaux de l’économie, ils se réclament des « règles d’équité » qui devraient s’imposer pour poursuivre les fins véritables de l’activité humaine : « Travailler pour nourrir les hommes est une tâche exaltante qui a toujours mobilisé les Bretons. L’heure est venue de poursuivre cette noble mission. Héritière d’une longue tradition de solidarité, d’esprit d’entreprise et de courage, la Bretagne a de nombreux atouts pour assumer son avenir. C’est d’abord dans ses ressources morales qu’elle puisera la force de comprendre la situation actuelle et de trouver une sortie solidaire de cette crise. » Visiblement, c’est vers le haut que les évêques de Bretagne veulent entraîner leur peuple, pour exorciser les craintes et surtout le désespoir qui menace certains. Ainsi, par leur voix, l’Église s’engage-t-elle pour défier les obstacles qui s’opposent à l’avenir de toute une région menacée. Escomptons qu’il y aura des conséquences très concrètes de cette prise de position apte à mobiliser les énergies d’une Bretagne insurgée contre son déclin.