Nicolas Hulot est, pour nous, la figure emblématique de la cause écologique. Hors partis, il est en situation d’incarner une mission nationale et internationale. Aux yeux de la plupart, il est devenu une autorité morale dans son domaine. C’est ce qui confère une singulière résonance à l’appel qu’il vient de lancer, en première page du Monde, en faveur des migrants, avec une tonalité pathétique : « Parfois, je me donne la nausée quand j’observe le cauchemar des migrants ou des réfugiés – peu importe le terme – et la manière progressive dont je m’accoutume à l’enfer des autres depuis des années. Suis-je le seul à céder à cette anesthésie émotionnelle ? » Et encore : « L’Europe (l’Italie et la Grèce mises à part) est passée de l’indifférence à l’impuissance et offre à certains un argument de plus pour douter de son utilité. Comment ne pas céder à l’écœurement devant son immobilité crasse face aux milliers de noyés en Méditerranée ou en mer Égée, dont 350 petits Aylan, dont la photo avait pourtant ému le monde entier ? Entre 2000 et 2014, 22000 migrants sont morts en tentant de rejoindre l’Europe, qui est devenue, pour eux, la destination la plus dangereuse du monde. »
Tout serait à citer de ce texte vibrant, qui rejoint les appels répétés du pape François. Nicolas Hulot préconise quelques mesures pratiques, dont la plus évidente me paraît être la constitution d’une flotte humanitaire pour sauver les milliers de naufragés en péril de mort. Pourtant, Nicolas Hulot est plutôt discret sur les motifs des réticences de l’opinion européenne à l’accueil des centaines de milliers de réfugiés. Motifs qui ne sont pas forcément sordides. D’ailleurs, sa voisine de colonne, dans le même quotidien, se charge de mettre les choses au point, non sans vigueur. L’auteur n’est pas le porte-parole de ce qu’on pourrait appeler le populisme anti-immigrés puisqu’elle est elle-même une immigrée. Mais Ayaan Hirsi Ali a suffisamment souffert de la violence de type djihadiste, pour ne pas soumettre à des conditions très précises l’accueil de ceux qui assiègent l’Europe : « Il nous faut repenser et réviser de toute urgence les différents traités, lois et politiques qui ont fait la preuve de leur incapacité à protéger les libertés et les valeurs fondamentales qui rendent les sociétés occidentales uniques en leur genre. »
Faut-il choisir entre l’appel de Nicolas Hulot et l’avertissement d’Ayan Hirsi Ali ? Je ne le pense pas, car l’un et l’autre sont les porte-parole d’exigence que le bien commun se doit de composer, même si ce n’est pas évident !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 mai 2016.