Il est à craindre que le beau film de Cheyenne Carron, intitulé L’apôtre, qui vient de sortir, ne trouve pas beaucoup de salles de cinéma pour l’accueillir. Et pourtant, la critique est exceptionnellement bonne pour cette œuvre qui traite un sujet éminemment délicat : celui de la conversion d’un musulman au christianisme, avec la difficulté de faire admettre cette conversion par sa propre famille. Pour avoir vu moi-même le film, je puis affirmer que Cheyenne-Marie Carron – puisque tel est désormais son nom de baptême qu’elle a reçu à Pâques cette année – a réussi un extraordinaire défi. Celui de montrer la violence de la réaction et du rejet de l’entourage, sans que cela soit une condamnation des intéressés. Elle n’édulcore rien mais son regard demeure bienveillant. C’est comme s’il y avait deux soucis en elle : le premier étant de donner un vrai témoignage de sa propre foi, le second de plaider en faveur d’une coexistence pacifique, et même plus que cela. Au terme du film, on assiste à une réconciliation entre deux frères, celui qui vient d’être baptisé et celui qui est devenu imam.
Pour réussir cette performance, la cinéaste a été puissamment aidée par les acteurs qu’elle a choisis, des musulmans qui ont parfaitement joué le jeu. Cheyenne-Marie Carron a raconté que c’est un événement qu’elle avait vécu qui était à l’origine de L’apôtre, comme il était à l’origine de sa propre décision de se faire baptiser. Dans le village où elle habitait, la sœur du prêtre avait été assassinée par un jeune musulman. Or ce prêtre avait absolument voulu accompagner la famille du meurtrier de sa sœur pour qu’elle surmonte l’épreuve. Bouleversée par un tel témoignage, elle a compris ce qui était au cœur même de la Révélation chrétienne. Son film, elle l’a dédié à ce prêtre qui vient d’ailleurs de mourir.
L’apôtre est vraiment un film d’actualité, il met en scène les problèmes dont on parle tous les jours, avec plus ou moins de perspicacité. À certains égards, c’est comme un reportage, la caméra nous offrant en direct l’intimité d’une famille musulmane et une réunion de prière à la mosquée où un imam répond avec beaucoup d’autorité aux questions pièges qui lui sont posées. Il faut aller voir L’apôtre et pour cela se renseigner soigneusement afin de trouver les rares salles où il est projeté.
